La police attaque des manifestants anti-Netanyahou alors que grandit la désillusion face à l’offensive contre Gaza

La police israélienne a arrêté 21 manifestants, dont deux organisateurs, sur la place Kaplan de Tel-Aviv samedi soir. Des milliers de personnes étaient descendues dans les rues de plusieurs villes d’Israël pour protester contre le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou et réclamer des élections anticipées ainsi qu’un accord sur la libération des derniers otages détenus par le Hamas dans la bande de Gaza.

La police a affirmé qu’il s’agissait d’un «rassemblement illégal» sur la place de la Démocratie, près du quartier général de l’armée israélienne.

Loin de disperser la manifestation, l’action de la police a attiré davantage de personnes à mesure que la nouvelle des arrestations se répandait sur les médias sociaux. La police a ensuite utilisé des canons à eau pour tenter de disperser les manifestants, dont beaucoup portaient des affiches de leurs proches toujours retenus en captivité à Gaza et des torches, et qui scandaient des slogans antigouvernementaux, tandis que la police montée s’attaquait à la foule.

La police utilise des canons à eau pour disperser la foule lors d’une manifestation contre le gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à Tel-Aviv, en Israël, le 24 février 2024. [AP Photo/Ohad Zwigenberg]

Parmi les personnes arrosées par la police se trouvait un otage libéré de Gaza, tandis qu’un homme âgé s’est effondré et a dû être transporté à l’hôpital après avoir été frappé à la tête par un policier à cheval. Plusieurs manifestants ont été blessés et ont dû recevoir des soins médicaux. Le lendemain, la police a publié un communiqué indiquant que les manifestants avaient ignoré les avertissements des policiers, bloqué les routes et affronté la police «malgré des efforts de négociation répétés».

À Jérusalem, une marche d’environ 1.000 personnes s’est rendue sur la place de Paris. Des manifestations ont également eu lieu à Beer Sheva (sud), Haïfa (nord) et Césarée, devant la résidence privée de Netanyahou. S’exprimant à Haïfa, Yaakov Godu, père d’une des victimes de l’attentat du 7 octobre, a déclaré que Netanyahou «et ses envoyés messianiques dérangés transforment les familles des otages en ennemis».

C’est la première fois depuis le début de la guerre génocidaire israélienne, qui a mis fin à neuf mois de manifestations contre les projets de Netanyahou visant à donner à son gouvernement fasciste des pouvoirs dictatoriaux, que la police utilisait des canons à eau sur la place Kaplan. Et elle l’a fait de manière plus intensive que lors de ces manifestations.

Les organisateurs sionistes des manifestations antigouvernementales ont mis fin aux rassemblements hebdomadaires à la suite de la guerre du 7 octobre, alors que les anciens généraux, chefs des services de renseignements et politiciens qui ont tous servi sous les ordres de Netanyahou à un moment ou à un autre, ont appelé à l’unité en temps de guerre.

Les anciens chefs d’état-major de l’armée, Benny Gantz et Gadi Eisenkot, ont rejoint le cabinet de guerre de Netanyahou en échange de la suspension de toute législation non urgente, y compris les «réformes» judiciaires controversées, tandis que d’autres dirigeants ont joué un rôle de premier plan dans l’effort de secours civil. Ces mesures étaient vitales pour Netanyahou, car les sondages montrent que le soutien au gouvernement s’est effondré après le 7 octobre, l’écrasante majorité le tenant personnellement responsable de l’échec supposé du renseignement militaire qui a conduit à l’attaque des kibboutzim du sud et du festival de musique Supernova.

Les sondages continuent de montrer que la guerre bénéficie d’un large soutien, malgré les protestations massives à l’échelle mondiale contre la guerre génocidaire d’Israël. L’enquête réalisée la semaine dernière par l’Institut israélien de la démocratie indique que la majorité des Israéliens juifs s’opposent à un accord politique détaillé pour mettre fin à la guerre et que deux tiers d’entre eux s’opposent à l’aide humanitaire à Gaza. Néanmoins, l’opposition à Netanyahou s’accroît, tous les sondages montrant que son bloc de droite perdrait les élections si elles avaient lieu maintenant. Netanyahou, qui fait l’objet d’un procès pour corruption, cherche à retarder son témoignage alors qu’il doit répondre à des questions embarrassantes.

Selon un sondage de l’Institut d’études de sécurité nationale, seule une faible majorité pense aujourd’hui qu’Israël peut atteindre tous ou la plupart de ses objectifs de guerre, tandis qu’une enquête de l’Institut israélien de la démocratie réalisée au début du mois a révélé que seuls 39 pour cent des personnes interrogées pensent que la probabilité de la «victoire absolue» promise par Netanyahou est élevée ou très élevée.

Les dissensions et le mécontentement ont alimenté les manifestations hebdomadaires des Israéliens, certains s’opposant au refus du gouvernement d’accorder la priorité à la libération des otages, dont on craint que beaucoup soient déjà morts, et ils appellent à un accord avec le Hamas pour y parvenir. Tandis qu’une opposition antigouvernementale de plus en plus nombreuse et bruyante réclame de nouvelles élections à la Knesset.

Il n’y a pour l’instant qu’un petit groupe qui proteste contre la guerre elle-même, soutenant un cessez-le-feu et s’opposant à l’occupation israélienne, bien qu’il y ait des signes que ce groupe est en train de se développer. Sofia Orr a fait savoir qu’elle refusait de se présenter au service militaire obligatoire pour protester contre la guerre à Gaza. Cette jeune femme de 18 ans risque de devenir la première femme à être emprisonnée pour avoir refusé de faire son service militaire. Elle a refusé de céder malgré les menaces proférées sur les réseaux sociaux et le fait qu’elle ait été traitée de traîtresse.

En décembre dernier, Tal Mitnick est devenu le premier objecteur de conscience en refusant de s’enrôler dans l’armée israélienne, ce qui lui a valu une peine de 30 jours de détention, peine qui a été renouvelée deux fois depuis.

Le fait que la police se soit retournée contre les familles des otages et ait attaqué une manifestation pacifique, qui n’était pas beaucoup plus importante que les précédentes manifestations du samedi soir et qui n’était pas contre la guerre en soi, montre que Netanyahou et sa bande de fascistes sont déterminés à réprimer toute dissidence à l’approche de la date butoir du 10 mars pour une offensive terrestre sur Rafah. Netanyahou est également déterminé à montrer qu’il est aux commandes et à repousser tout défi de la part de ses opposants sionistes.

En janvier, la police de Tel-Aviv a refusé d’autoriser une manifestation arabo-juive à se dérouler dans la ville, sous prétexte qu’elle risquait de déboucher sur des violences. Cette décision faisait suite à d’autres interdictions de manifestations contre la guerre dans les villes israéliennes à majorité palestinienne. L’interdiction de la police est intervenue après que la Haute Cour a interdit au ministre de la Sécurité nationale et dirigeant du Pouvoir juif, Itamar Ben-Gvir, bien connu pour avoir poussé à plusieurs reprises la police à agir de manière agressive contre les manifestants antigouvernementaux de l’année dernière, de donner des ordres à la police concernant sa conduite pendant les manifestations. Les événements de samedi illustrent sa détermination à utiliser la police dans la poursuite de son objectif politique plus large et de celui du gouvernement: la suprématie juive sur toute la région allant du Jourdain à la Méditerranée.

Le week-end dernier, Netanyahou s’est rendu à l’émission Face the Nation de la chaîne CBS News pour promettre un assaut sur Rafah, que les négociations avec les autorités de Gaza progressent ou non. Il a déclaré qu’Israël ne remporterait une «victoire totale» que lorsque les Forces de défense israéliennes commenceraient à envahir Rafah, le dernier refuge de quelque 1,4 million de Palestiniens contraints de quitter leurs maisons du nord de la bande de Gaza pour se réfugier au sud. «Si nous parvenons à un accord, l’opération sera quelque peu retardée, mais elle aura lieu», a-t-il déclaré. «Si nous n’avons pas d’accord, nous le ferons de toute façon.»

C’est Gantz, rival de Netanyahou et complice de ses crimes de guerre, qui a annoncé le premier la date limite du 10 mars. Le fait que la guerre prenne cette tournure meurtrière pendant le ramadan est une provocation qui, selon les calculs de Netanyahou et consorts, ne manquera pas de mettre le feu à la Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est, offrant ainsi l’occasion d’ouvrir un second front. Fort du soutien de Washington et des principales puissances européennes, Netanyahou se positionne comme l’homme fort d’Israël en temps de guerre, au-dessus de la loi et n’ayant de comptes à rendre à personne. Il a récemment déclaré dans une allocution télévisée que la guerre se poursuivrait, quelles que soient les décisions de la Cour internationale de justice sur les accusations de génocide portées par l’Afrique du Sud. «Personne ne nous arrêtera, ni La Haye, ni l’Axe du mal, ni personne d’autre. Il est possible et nécessaire de continuer jusqu’à la victoire et nous le ferons.»

Avant le début de la guerre, les rivaux sionistes de Netanyahou n’ont pas réussi à remettre en question la politique dictatoriale de ce dernier. Maintenant qu’elle a commencé, au prix de dizaines de milliers de vies et de souffrances inimaginables pour les Palestiniens, les travailleurs et les jeunes israéliens en paient également le prix.

(Article paru en anglais le 26 février 2024)

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