Postes Canada exige des concessions importantes dans le cadre des négociations contractuelles, alors que le syndicat des postiers maintient la démobilisation des travailleurs

La Société canadienne des postes (SCP), une société d’État détenue à 100% par le gouvernement fédéral, exige des concessions massives de la part d’environ 50 000 travailleurs postaux dans le cadre des négociations contractuelles en cours. Depuis la fin de l’année dernière, la SCP négocie à huis clos avec le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) les contrats de travail de deux unités de négociation de facteurs : les opérateurs postaux urbains (OPU), qui représentent quelque 42 000 travailleurs, et les facteurs ruraux et suburbains (CPRS), qui sont environ 8 000.

Un travailleur de Postes Canada se rend à son camion à Richmond, en Colombie-Britannique [AP Photo/Ted S. Warren]

Le contrat des OPU a expiré le 31 janvier, tandis que les CPRS sont contraints de travailler sans contrat depuis le 31 décembre.

Bien que le STTP ait admis dans ses propres mises à jour sporadiques que la SCP cherche à obtenir des concessions importantes, le syndicat n’a pas mobilisé les travailleurs postaux dans une lutte contre les concessions proposées par la direction, et encore moins dans une lutte pour exiger des améliorations. La bureaucratie syndicale est déterminée à maintenir les travailleurs confinés dans le processus de « négociation collective » pro-employeurs, permettant ainsi à la direction de la SCP de passer à l’offensive.

L’acheminement dynamique et les systèmes d’emploi à deux niveaux sont deux des principales concessions actuellement sur la table. L’acheminement dynamique repose sur un logiciel qui ajuste les itinéraires de distribution du courrier jour après jour. Le STTP décrit le système comme « une restructuration majeure du travail des facteurs », qui mettra fin à la propriété des itinéraires par les facteurs, introduira davantage de travailleurs à temps partiel et éliminera les valeurs temporelles pour certains travaux intérieurs, entre autres concessions.

Au lieu d’être propriétaires d’un itinéraire, dans le cadre de l’acheminement dynamique, les facteurs feront une offre pour un horaire de travail dans le cadre duquel un programme informatique décidera « des tâches quotidiennes des facteurs et de l’ordre de livraison ». Le fait d’être propriétaire d’une tournée permet aux travailleurs de savoir à quoi ressemblera leur travail à l’avenir — la semaine prochaine, le mois prochain — jusqu’à ce qu’ils fassent une offre et acceptent une autre tournée.

Le fait de pouvoir se rendre au travail et d’avoir des attentes claires pour la journée est un élément fondamental de la carrière d’un travailleur postal. Le fait de modifier les itinéraires au jour le jour nuit considérablement à la sécurité de l’emploi et aux droits d’ancienneté, transformant de fait l’ensemble de la main-d’œuvre en l’échelon le plus bas des employés de garde, dont le rôle est traditionnellement de couvrir les itinéraires en fonction des absences du travailleur.

Dans le cadre des changements liés à l’acheminement dynamique, la SCP a l’intention de créer « une nouvelle fonction au sein de la classification des facteurs, appelée employés flexibles permanents ». Ces travailleurs seraient censés venir au travail tous les jours pour trois à huit heures de travail afin de couvrir les tâches actuellement effectuées par des travailleurs à temps plein rémunérés en heures supplémentaires. Les OPU dépendent des heures supplémentaires pour gagner plus d’argent, surtout au moment des fêtes de fin d’année. « Cette proposition entraînerait une augmentation du travail à temps partiel au sein du groupe et une diminution du nombre de postes à temps plein, selon une mise à jour du STTP.

L’entreprise souhaite également créer une nouvelle fonction interne appelée “Delivery Support”. “Cette fonction regrouperait les fonctions actuelles d’aide-facteur et de routeur, en transférant ce travail du groupe 2 au groupe 1, où aucune valeur temporelle n’est attribuée au travail. Ce mécanisme permettrait à l’entreprise d’intensifier considérablement la charge de travail et le rythme de travail.

En conséquence de ces changements, la SCP cherche à supprimer la journée de huit heures et à la remplacer par une ‘semaine de travail variable’. Pour le STTP, il s’agit d’un horaire où les quarts de travail quotidiens varient au cours d’une semaine donnée. Par exemple, ‘un transporteur pourrait travailler 8,5 heures le lundi, mais des quarts de travail plus courts le reste de la semaine’, pour un total de 40 heures dans une semaine de travail de cinq jours. Cette mesure mettra fin aux primes d’heures supplémentaires pour les travailleurs qui travaillent plus de huit heures par jour.

L’employeur espère également développer le recours aux travailleurs temporaires et demande à pouvoir ‘faire appel à des employés temporaires avant d’offrir des heures supplémentaires aux transporteurs à temps plein’ pour couvrir les absences. Il pourrait s’agir de faire appel à des travailleurs temporaires pour couvrir des absences connues, telles que des vacances planifiées, ou des absences inconnues, telles que des congés de maladie ou des congés personnels d’urgence.

La SCP compte actuellement sur les travailleurs pour effectuer du travail supplémentaire lorsque la charge de travail est saisonnièrement élevée ou que les itinéraires ne sont pas couverts. Au lieu de créer des emplois de qualité et à temps plein, les OPU en sous-effectif sont incités à accepter du travail supplémentaire au tarif des heures supplémentaires. Après une journée épuisante de 11 heures de travail, le taux d’heures supplémentaires d’un OPU augmente jusqu’à atteindre le double du taux normal. Le recours accru aux travailleurs temporaires permettrait d’éliminer ce coût supplémentaire. Comme l’a souligné le syndicat, ‘l’employeur veut cesser de payer les heures supplémentaires au tarif double à partir de la troisième heure’.

Un congé de mariage est actuellement prévu pour les unités de négociation CPRS et OPU, où cinq jours de congé payé sont accordés aux travailleurs qui se marient. Les CMRS ont obtenu ce congé il y a seulement cinq ans, en 2019, et la CPP cherche déjà à le supprimer pour les deux unités de négociation.

Il n’y a pas d’avantage trop petit pour que la SCP s’y attaque. La convention collective des OPU prévoit pour les travailleurs ‘cinq (5) minutes de temps de toilette rémunéré avant la période de repas’, que la société veut maintenant supprimer de la journée de travail rémunérée.

Les droits des travailleurs en matière de vacances sont également menacés. Actuellement, les 52 semaines de l’année peuvent faire l’objet d’un appel d’offres pour les congés annuels, mais la SPC cherche à ‘supprimer les calendriers de congés annuels pendant la période de pointe de Noël’, à ‘se débarrasser des congés annuels superposés’ et à ‘cesser de réaffecter les semaines de vacances qui se libèrent au cours de l’année’.

Les congés annuels des facteurs sont actuellement plafonnés à sept semaines par an, après 28 ans d’emploi continu. Le congé annuel commence à trois semaines pour un nouvel employé et augmente d’une semaine après sept ans de service. En opposant les travailleurs actuels aux nouveaux employés, la SCP veut introduire un système de vacances à deux niveaux. Pour les nouveaux employés, le niveau de sept semaines de vacances serait complètement supprimé. Au lieu d’obtenir une semaine de vacances supplémentaire après sept ans de service, les nouveaux employés devraient travailler pendant dix ans. En outre, les employés âgés de 50 à 60 ans, selon la durée de leur emploi à Postes Canada, perdront leur congé de préretraite, selon le bulletin d’information sur les négociations du STTP.

Le syndicat est entièrement complice de cette attaque sauvage contre les droits des travailleurs. Comme l’a noté le STTP dans sa mise à jour du 15 février, le syndicat a travaillé en étroite collaboration avec la SCP au dépôt de Champlain, à Montréal, et l’a soutenu pendant la période où le contrat a récemment expiré, afin de mettre à l’essai une” nouvelle » façon pour les facteurs d’effectuer leurs tâches quotidiennes en mettant en place un acheminement dynamique.

Reconnaissant les services inestimables du syndicat dans l’imposition de concessions aux travailleurs postaux, la SCP espère poursuivre le partenariat corporatiste qui lui a permis d’imposer une série d’attaques après l’autre au cours des dernières décennies. Selon le CCP, « l’objectif de l’entreprise est de travailler en collaboration avec le STTP pour parvenir à des accords négociés ». Le STTP a déclaré sans ambages : « Nous pouvons nous attendre à d’autres reculs dans les semaines à venir », mais il n’a pas encore appelé à un vote de grève, et encore moins discuté d’un quelconque plan de lutte pour faire échouer ces « reculs ».

L’audace dont fait preuve la direction en poussant à une restructuration aussi massive de la main-d’œuvre est liée à l’assaut plus large contre les conditions de travail et les salaires mené par l’élite dirigeante.

Afin de financer les guerres de l’impérialisme canadien à l’étranger, le réarmement militaire et les cadeaux à l’élite des entreprises, le gouvernement libéral de Trudeau, soutenu par les syndicats et le NPD, a lancé des politiques d’austérité qui ont été reprises par les gouvernements à tous les niveaux.

Le gouvernement Trudeau est également intervenu directement dans des luttes importantes pour imposer des accords favorables aux entreprises. Lors de la grève de plus de 7 000 débardeurs de Colombie-Britannique l’été dernier, les libéraux ont obtenu du Conseil canadien des relations industrielles qu’il impose une interdiction de grève draconienne et ont réussi, par l’intimidation et les menaces, à faire avaler aux travailleurs un contrat truffé de concessions.

Les travailleurs postaux ont fait leur propre expérience avec les libéraux prétendument « progressistes » et « favorables aux travailleurs » soutenus par les syndicats. En 2018, le gouvernement Trudeau a adopté le projet de loi C-89 visant à criminaliser les grèves tournantes des travailleurs postaux, ce que le syndicat a qualifié de mesure désespérée pour bloquer une grève totale indéfinie. Cette loi briseuse de grève a prouvé que les libéraux n’hésiteront pas à utiliser toute la force de l’État contre les travailleurs pour faire respecter les diktats de la direction. La SCP peut compter sur le gouvernement fédéral pour intervenir si le STTP n’est plus en mesure de contrôler la classe ouvrière en contenant la colère des travailleurs dans le système étouffant de la « négociation collective ».

Toute lutte contre les concessions exigées par la SCP doit soulever la nécessité d’une lutte politique contre l’alliance tripartite entreprise-syndicat-gouvernement, qui œuvre en faveur des intérêts capitalistes, y compris le génocide impérialiste à Gaza et la guerre États-Unis-OTAN en Russie et en Ukraine.

L’appareil du STTP est une composante majeure de cette alliance et joue un rôle clé dans la défense politique du programme d’austérité pour la classe ouvrière, des réductions d’impôts pour la classe dirigeante et de l’augmentation des dépenses militaires pour mener la guerre à l’étranger. Ces politiques de guerre de classe sont pleinement soutenues par la bureaucratie syndicale. Cette trahison n’est pas simplement une question de mauvais dirigeants syndicaux, mais est en fin de compte due au rôle de classe fondamental que les bureaucraties syndicales nationalistes et procapitalistes jouent dans la répression des luttes des travailleurs.

Les travailleurs et travailleuses des postes ont des alliés naturels dans d’autres sections de la classe ouvrière pour mener une telle lutte, tant au Canada qu’à l’échelle internationale. La lutte des travailleurs et travailleuses de Postes Canada pour l’amélioration des conditions de travail et des salaires doit englober tous les membres du STTP et faire appel à des couches des travailleurs et travailleuses encore plus larges, y compris les travailleurs et travailleuses des postes aux États-Unis et en Grande-Bretagne, qui ont subi des attaques similaires contre leurs conditions et ont mis sur pied des comités de base pour s’opposer à la trahison de leurs syndicats respectifs dans la mise en œuvre d’attaques pro-employeurs.

Le World Socialist Web Site exhorte les travailleurs postaux prêts à lutter contre les concessions scandaleuses demandées par la SCP à tirer les conclusions qui s’imposent de la complicité du STTP dans la dégradation de leurs conditions de travail. La seule façon d’aller de l’avant est de mettre sur pieds des comités de base dans chaque dépôt afin de prendre le contrôle des négociations des mains de la bureaucratie et de remettre le pouvoir là où il doit être, c’est-à-dire entre les mains des travailleurs. Ces comités devraient dresser une liste de revendications non négociables pour les travailleurs postaux et appeler à l’élargissement de la lutte contre l’érosion des salaires et des protections sur le lieu de travail en une lutte politique contre la volonté de l’élite dirigeante de faire payer aux travailleurs la guerre impérialiste et le profit capitaliste effréné.

(Article paru en anglais le 21 mars 2024)

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