L’accélération du protectionnisme des États-Unis enraciné dans les préparatifs de guerre

Presque chaque jour, on assiste à une escalade des mesures protectionnistes américaines, qu’il serait peut-être plus juste de qualifier de guerre économique, non seulement contre la Chine, désignée comme un «concurrent stratégique», mais aussi contre les alliés des États-Unis.

Les nouvelles technologies, associées au développement des énergies vertes et de l’intelligence artificielle, qui joueront un rôle clé dans le façonnement de l’avenir économique, sont au premier plan. Mais les industries plus anciennes, telles que la sidérurgie et la construction navale, sont également concernées.

Cette semaine, Janet Yellen, secrétaire d’État au Trésor américain, a prévenu la Chine de ne pas inonder monde de produits à énergie propre bon marché qui fausseraient les marchés mondiaux. À la veille d’une visite en Chine, Yellen a déclaré qu’elle avait l’intention de faire du dumping chinois une «question clé» dans les discussions qui se dérouleront dans ce pays.

Janet Yellen, secrétaire d'État au Trésor américain [AP Photo/Hau Dinh]

Les commentaires de Yellen, publiés sous prétexte que les actions de la Chine nuisent aux travailleurs américains, soulignent l’irrationalité totale du système capitaliste mondial dans lequel chaque grande puissance cherche à promouvoir ses intérêts de profit contre ses rivaux, quelles qu’en soient les conséquences.

Alors que le monde est confronté à une crise de plus en plus grave due au réchauffement climatique, la rationalité et la raison voudraient que la capacité de la Chine à produire des énergies vertes à moindre coût soit accueillie favorablement. Ce n’est pas le cas dans un système où tout est subordonné aux exigences des sociétés pour augmenter leurs profits et aux intérêts nationaux des puissances impérialistes.

Yellen a déclaré que la «surcapacité» de la Chine dans la fourniture de produits à énergie propre tels que les panneaux solaires, les véhicules électriques et les batteries lithium-ion – c’est-à-dire sa capacité à produire ces produits en plus grande quantité et à un coût inférieur à celui des entreprises américaines – «fausse les prix et la production au niveau mondial et nuit aux travailleurs américains».

Son invocation des intérêts des travailleurs américains est bidon. Elle s’adresse à la bureaucratie syndicale et à sa campagne nationaliste réactionnaire qui vise à subordonner la classe ouvrière à la préoccupation centrale du gouvernement Biden: la protection des profits des entreprises américaines et des intérêts géostratégiques de l’État impérialiste.

Les mesures américaines en matière d’énergie propre ne sont pas uniquement dirigées contre la Chine. La loi sur la réduction de l’inflation du gouvernement Biden, qui prévoit d’énormes allègements fiscaux et des subventions aux entreprises américaines qui développent des projets d’énergie verte, a été largement critiquée par ses alliés européens, qui la considèrent comme protectionniste.

Cette loi se fonde exactement sur ce que les États-Unis accusent la Chine de faire, à savoir accorder des subventions publiques aux entreprises pour les aider à conquérir de plus grandes parts de marché.

Plus encore, le protectionnisme est intimement lié à l’escalade de la guerre, qui est au cœur même de la politique étrangère des États-Unis.

Les interdictions permanentes et toujours plus étendues d’exporter des puces informatiques de haute technologie et d’autres technologies vers la Chine visent à tenter de contrecarrer son développement économique, que les États-Unis considèrent comme la plus grande menace pour leur propre développement économique.

Le lien immédiat entre ces mesures et les préparatifs de guerre est illustré par le fait que les interdictions sont invoquées au nom de la «sécurité nationale».

En février, Joe Biden a demandé au ministère du Commerce d’ouvrir une enquête pour déterminer si les véhicules chinois «connectés», y compris les voitures électriques, représentaient un risque pour la sécurité des États-Unis parce qu’ils s’apparentaient à un «téléphone intelligent sur roues».

En annonçant l’enquête, il a déclaré: «les politiques de la Chine pourraient inonder nos marchés de ses véhicules, ce qui poserait des risques pour notre sécurité nationale. Je ne laisserai pas cela se produire sous ma surveillance».

Les mesures protectionnistes ne se limitent pas aux industries de haute technologie. Au début du mois, Biden s’est déclaré opposé au projet de rachat de US Steel par la société japonaise Nippon Steel pour un montant de 14,9 milliards de dollars, organisé en décembre dernier, en déclarant qu’il était «vital» que l’entreprise reste «détenue et exploitée au niveau national».

L’opération fait l’objet d’une enquête du Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis (Cfius), qui examine les opérations d’investissement étranger sous l’angle des menaces pour la sécurité nationale.

On s’attendait à ce que le Cfius autorise l’opération, mais l’intervention de Biden a remis en question cette décision.

Selon Emily Kilcrease, experte du Cfius au sein du groupe de réflexion Center for a New American Security, la déclaration de Biden s’opposant à l’accord signifie que «le Cfius se trouve potentiellement dans la position inconfortable de devoir inverser son évaluation des risques pour s’adapter à un résultat politiquement déterminé».

L'intervention de Biden s’est faite sous la pression de la bureaucratie syndicale des United Steelworkers (Métallos). Celle-ci est active sur un autre front et, avec d’autres syndicats, a demandé au président d’ouvrir une enquête sur les pratiques économiques déloyales présumées de la Chine dans le domaine de la construction navale.

Les syndicats auraient déposé une requête auprès du représentant américain au commerce en vertu de la section 301 de la loi sur le commerce de 1974, la législation utilisée par l’ancien président Trump pour lancer des mesures de guerre commerciale contre la Chine en 2018.

Un commentaire publié dans le Financial Times au début du mois par Michael Strain, figure de proue de l’American Enterprise Institute, un organisme de droite axé sur le libre marché, a attiré l’attention sur le rachat de Nippon Steel et sur la rupture avec ce qui constituait auparavant la politique des principales sections de la classe dirigeante américaine.

«Un président américain qui s’oppose à l’investissement d’un allié fidèle dans une entreprise manufacturière américaine est le signe que le protectionnisme s’emballe», écrit-il.

Strain n’était pas opposé à la guerre menée par les États-Unis contre la Chine. Ce qui le préoccupe, c’est que les actions de Biden affaiblissent leur position.

«Le Japon est un allié de plus en plus important dans le Pacifique, alors que les relations entre les États-Unis et la Chine deviennent de plus en plus conflictuelles. Biden devrait utiliser la politique économique pour renforcer ce partenariat, et non pour l’affaiblir en traitant une entreprise japonaise comme une menace pour la sécurité.»

Citant la déclaration de Trump selon laquelle il bloquerait instantanément l’accord avec Nippon s’il devenait président, Strain a déclaré qu’il s’agissait d’un exemple du «consensus Biden-Trump contre une politique économique saine».

Si ce qui était considéré comme une «politique saine» dans le passé a été rejeté, comme c’est clairement le cas, il doit y avoir des raisons plus profondes que les inclinaisons et les personnalités de Trump et de Biden et leurs efforts pour obtenir un soutien électoral en prétendant faussement qu’ils «protègent» les travailleurs américains.

Les forces motrices du protectionnisme, invoquées sur la base de la «sécurité nationale», sont enracinées dans le déclin prolongé du capitalisme américain qui a maintenant atteint un tournant critique. De plus en plus, la classe dirigeante américaine ne voit pas d’autre issue à sa crise historique que le recours au seul domaine dans lequel elle reste dominante: la puissance militaire.

Pour les travailleurs politiquement conscients, la question cruciale et immédiate est d’avertir leurs collègues que le programme nationaliste des syndicats vise à lier la classe ouvrière à la catastrophe d’une guerre mondiale – dont les conséquences nucléaires potentielles menaceraient la civilisation elle-même – et de développer la lutte pour un programme socialiste comme seule voie viable pour l’avenir.

(Article paru en anglais le 29 mars 2024)

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