Biden supplie les républicains de rompre avec un Trump «anti-démocratique».

Le discours prononcé jeudi par le président américain Joe Biden et les déclarations des candidats républicains à la présidence la nuit précédente ont été autant de manifestations de l’aggravation de la crise politique en Amérique. Les Républicains, tant Trump que ses adversaires ayant débattu en Californie, adoptent une position de plus en plus belliqueuse et fasciste. En attendant, les démocrates, en la personne de Joe Biden, déplorent le danger pesant sur la démocratie mais ne proposent absolument rien pour s’y opposer.

Le président Joe Biden parle de la démocratie et de l'héritage de feu John McCain, sénateur de l’Arizona, au Tempe Center for the Arts, le jeudi 28 septembre 2023, à Tempe, en Arizona. [AP Photo/Ross D. Franklin]

La principale préoccupation de Joe Biden, telle qu’exprimée dans ses remarques à l’Institut McCain en Arizona, est l’impact de Trump et de ses acolytes sur la guerre par procuration menée par les États-Unis contre la Russie en Ukraine. Après avoir évoqué pendant dix minutes ses relations étroites avec le belliciste républicain qui a donné son nom à l’institut, il s’est attaché à promouvoir son propre militarisme. Il a averti que le virage vers la violence de l’ultra-droite au Parti républicain sapait la position mondiale de l’impérialisme américain et perturbait le fonctionnement de son gigantesque appareil militaire.

Le discours prononcé à l’université d’État de l’Arizona l’a été à l’invitation de Cindy McCain, veuve du sénateur républicain de longue date décédé d’un cancer du cerveau en 2018. Biden a expliqué à un auditoire bipartite trié sur le volet qu’il était venu parler d’une menace pour la démocratie, et a commencé par citer les réactions des dirigeants et des gouvernements étrangers à l’attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, par une horde des partisans de Trump.

Il a poursuivi ainsi: «Il se passe quelque chose de dangereux en Amérique. Il y a un mouvement extrémiste qui ne partage pas les croyances fondamentales de notre démocratie, le mouvement MAGA. Tous les républicains, et même la majorité d’entre eux, n’adhèrent pas à l’idéologie extrémiste MAGA. Je le sais parce que j’ai pu travailler avec des républicains tout au long de ma carrière. Mais il ne fait aucun doute que le parti républicain d’aujourd’hui est dirigé et intimidé par les extrémistes républicains du mouvement MAGA. Leur programme extrême, s’il était mis en œuvre, modifierait fondamentalement les institutions de la démocratie américaine telle que nous la connaissons».

Biden a ensuite décrit les attaques contre les médias, le droit de vote, l’interdiction des livres et la menace de fermer le gouvernement. Mais il s’est concentré sur les attaques contre l’armée, en particulier le blocage des promotions de centaines d’officiers militaires par «un sénateur de l’Alabama» (Tommy Tuberville) ; il a ensuite dénoncé Trump pour avoir déclaré que le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées, était un «traître» que «dans le passé», on aurait exécuté. Trump avait pris Milley pour cible parce qu’il avait refusé de soutenir ses efforts pour s’emparer du pouvoir après avoir perdu l’élection présidentielle de novembre 2020.

Selon Biden, les républicains de la Chambre des représentants blanchissent l’attaque du 6 janvier, font l’éloge des assaillants et appellent à «détruire le FBI». Ceux-ci poussaient à la fermeture du gouvernement fédéral en bloquant l’adoption d’un budget, ce qui entraînerait la suspension des salaires des militaires.

Alors que l’accusation de Biden sous-estimait le danger que représente pour la démocratie la transformation du Parti républicain en organisation fasciste, il n’a proposé comme alternative que «l’engagement» dans le processus politique, de la part des jeunes en particulier. Autrement dit, tout en reconnaissant la menace, du moins en paroles, il n’a rien proposé d’autre que de se rendre aux urnes pour élire davantage de démocrates, et surtout lui-même, en novembre 2024.

Il a terminé son discours en déclarant que la société américaine se trouvait «à un tournant dans notre histoire, un de ces moments qui (…) se produit une fois toutes les huit ou neuf générations, où les décisions prises dans la courte période que nous vivons actuellement vont déterminer le cours de ce pays et du monde pour les six ou sept prochaines décennies».

Face à une telle déclaration, il est d’autant plus remarquable que Biden n’ait donné aucune explication sur les causes sous-jacentes de cette crise. D’où vient le mouvement MAGA? Sur quoi se fonde cette menace mortelle pour les droits démocratiques? Cela aurait-il à voir avec la crise du système de profit capitaliste? Quel est le lien entre cette crise et l’explosion du militarisme américain, y compris en Ukraine? Des questions non souhaitées et délibérément supprimées, non seulement par ce président de 80 ans, mais encore par le Parti démocrate tout entier, de même que par les grands médias.

Tandis que Biden appelait les républicains non-partisans de Trump à le répudier, la tendance du deuxième débat présidentiel républicain, tenu mercredi soir dans le sud de la Californie, était d’attaquer Trump par la droite. On l’attaqua pour son incapacité à tenir des promesses aussi fascistes que la construction d’un mur sur toute la frontière États-Unis-Mexique ou pour ne pas avoir réduit les dépenses fédérales pour les services sociaux, ou enfin pour ne pas avoir été assez dur dans sa politique anti-chinoise.

Ce prétendu débat était en fait un concours de cris et d’interruptions, avec de longues périodes pendant lesquelles on n’entendait rien d’autre qu’une cacophonie de voix. Et entre les interruptions, le débat s’est en fait dégradé.

Presque tous les sept candidats présents sur la scène a mis en avant une initiative fasciste choisie pour se distinguer de ses rivaux, y compris de Trump. L’ex-vice-président Mike Pence a par exemple déclaré que sa réponse aux fusillades de masse dans les écoles était de garantir l’application rapide, en quelques mois plutôt qu’en quelques années, de la peine de mort pour les tireurs. Il a reproché au gouverneur de Floride, Ron DeSantis, le fait que le tireur de Parkland, qui a abattu 17 élèves et enseignants en 2018, purgeait désormais une peine de prison à perpétuité.

DeSantis, pour sa part, s’est vanté que son État interdisait l’achat de terres par des ressortissants chinois et a déclaré que cette mesure devrait être étendue à l’ensemble du pays. Il a réitéré son soutien aux directives pour les programmes scolaires qui déclarent que les esclaves du Sud américain acquéraient des compétences utiles dont ils bénéficiaient. Le sénateur afro-américain de Caroline du Sud, Tim Scott, a répondu que l’esclavage n’apportait aucun avantage, mais il a suggéré ensuite que les politiques de la «Grande Société» de Lyndon Johnson — dont la loi sur les droits civiques et la loi sur le droit de vote — étaient pour les Noirs pires que l’esclavage.

Les candidats républicains à la présidence, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, à gauche, et l’entrepreneur Vivek Ramaswamy, à droite, parlant lors du débat des primaires présidentielles républicaines organisé par FOX News, le 27 septembre 2023, à la Bibliothèque présidentielle Ronald Reagan à Simi Valley (Californie). [AP Photo/Mark Terrill]

L’ex-gouverneure de Caroline du Sud Nikki Haley s’est lancée dans une diatribe anti-chinoise, attaquant Trump pour son manque de fermeté à l’égard de la Chine. Elle a appelé à interdire l’application de réseaux sociaux TikTok, détenue par des Chinois, et à «découpler» les économies américaine et chinoise. Elle a attaqué l’un de ses rivaux, Vivek Ramaswamy, homme d’affaires spécialisé dans les logiciels, pour avoir investi en Chine et pour utiliser TikTok. «Nous ne pouvons pas vous faire confiance», a-t-elle déclaré, comme si l’acolyte de Trump était un agent chinois.

Ramaswamy a répondu qu’il essayait d’atteindre les jeunes sur TikTok avec son message pro-Trump, qualifiant Trump de «grand président». Il a fait l’un des commentaires les plus grossiers de cet événement vraiment avilissant, disant que toutes les personnes transgenres devraient être traitées comme des malades mentaux. Le parallèle avec le traitement des homosexuels par les nazis était incontournable. Il a également appelé à réduire les dépenses discrétionnaires fédérales de 75 pour cent et les effectifs fédéraux de 50 pour cent.

En dépit de leurs querelles et attaques, les candidats étaient d’accord sur une proposition fondamentale: l’inflation qui a dévasté le niveau de vie de la classe ouvrière était la faute des dépenses publiques, et la seule solution consistait à éliminer ces dépenses — pas pour l’armée ou la police, mais pour les programmes sociaux qui profitent aux travailleurs — et à abroger les réglementations en matière d’environnement et de sécurité imposées aux entreprises.

Ils ont tous fait l’éloge du capitalisme et ont éludé cette réalité : les deux principales causes avérées de l’inflation sont le renflouement à coup de milliers de milliards de dollars des trusts et des banques par la Réserve fédérale, et le gonflement des bénéfices par les sociétés géantes, qui ont fait grimper les prix – et les salaires de leurs directeurs – bien au-delà de ce que coûtent des salaires.

Il est particulièrement révélateur que ni les candidats ni les modérateurs fournis par Fox News n’aient soulevé la question des attaques de Trump contre la démocratie, notamment l’attentat du 6 janvier 2021 contre le Capitole, au cours duquel deux des candidats, le vice-président Pence et le sénateur Scott, parmi bien d’autres, avaient dû fuir pour sauver leur vie. L’ex-gouverneur du New Jersey, Chris Christie, qui avait fait de cette question le cœur de sa campagne et l’avait soulevée au premier débat, ne l’a pas fait cette fois-ci ; il s’est contenté de se joindre au concert de cris réactionnaires tout en soulignant son soutien à la peine capitale et aux coupes budgétaires.

Plusieurs candidats se sont plaints de la décision de Trump de ne pas participer au débat, comme il l'avait fait lors du premier événement de ce type ; il avait alors fait état de son avance considérable et continue dans les sondages réalisés auprès des électeurs susceptibles de participer aux primaires républicaines. Cette fois-ci, Trump a choisi de prononcer un discours devant un groupe de partisans dans une usine de pièces automobiles à Clinton Township (Michigan), présentant cette initiative comme un effort pour gagner le soutien de la classe ouvrière dans un État crucial pour 2024.

Cette prestation de Trump fut tout aussi frauduleuse que sa comptabilité immobilière. Il s’agissait d’une usine non syndiquée que le propriétaire avait mise à sa disposition pour l’occasion. Bon nombre de ceux présents à brandir des pancartes avec «Travailleurs automobiles pour Trump» n’étaient pas ouvriers de l’automobile. Et ceux agitant des pancartes disant «Membres de l’UAW pour Trump» n’étaient pas syndiqués. Le discours de Trump ne différait guère des habituelles tirades qu’il tient pendant des heures à ses meetings de campagne, sinon que le lieu et le public étaient bien plus restreints et qu’il a parlé en s’aidant d’un téléprompteur, ce qui laisse à penser que, comme Biden, il souffre des effets du vieillissement (il a 77 ans, trois ans de moins seulement que Biden).

Contrairement aux appels plaintifs de Biden à une majorité inexistante de républicains anti-Trump, le débat de mercredi a montré que le Parti républicain est en train de se transformer en institution fasciste. Le système capitaliste à deux partis offre donc aux travailleurs le «choix» entre les fascistes républicains qui veulent la guerre avec la Chine et les militaristes démocrates engagés dans une guerre avec la Russie. Tous deux veulent une escalade de conflits qui mènerait inexorablement à la guerre nucléaire et à la destruction de la civilisation.

(Article paru d’abord en anglais le 29 septembre 2023)

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