Perspective

La crise du climat à un point critique

Une déclaration commune publiée jeudi par le service européen Copernicus Climate Change Service (C3S) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM) confirme que les trois premières semaines de juillet ont été les plus chaudes jamais enregistrées et prévoit que le mois sera le plus chaud jamais connu par la civilisation humaine.

Carlo Buontempo, le directeur du C3S, a noté dans le communiqué que «les températures record font partie de la tendance à l’augmentation drastique des températures globales. Les émissions anthropiques sont en fin de compte le principal moteur de cette hausse des températures». Les prévisions saisonnières du C3S indiquent que sur les terres émergées, les températures devraient être bien supérieures à la moyenne, qui dépassent le 80e centile de la climatologie pour cette période de l’année».

Un habitant réagit alors que les arbres brûlent dans le village de Gennadi, sur l’île de Rhodes en mer Égée, au sud-est de la Grèce, le mardi 25 juillet 2023. [AP Photo/Petros Giannakouris]

Le record battu en juillet a été établi pour la dernière fois en août 2016, lorsque la température moyenne mondiale a atteint 16,92 degrés Celsius, selon les mesures de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis. Mais depuis le 3 juillet, la température mondiale moyenne par 24 heures est montée en flèche, atteignant un nouveau sommet de 17,23 °C le 6 juillet. La journée la plus fraîche depuis cette date a été le 14 juillet, qui est descendu à 16,94 °C, toujours juste au-dessus du pic précédent.

Les tropiques et l’hémisphère nord ont été particulièrement touchés par la vague de chaleur actuelle, les températures dans ces régions étant actuellement supérieures à la moyenne d’environ 0,9 °C et 1,2 °C, respectivement. Les températures océaniques dans l’Atlantique Nord battent des records saisonniers depuis mars, atteignant près de 1,5 °C au-dessus de la moyenne, tandis que les températures océaniques mondiales en dehors des pôles restent 0,8 °C au-dessus de la moyenne, y compris un nouveau record de 21,1 °C, également établi en mars. Il est de plus en plus probable que 2023 devienne l’année la plus chaude jamais enregistrée.

Parmi les conséquences les plus catastrophiques, des températures record de cette année figurent les incendies de forêt au Canada qui ont brûlé plus de 100.000 kilomètres carrés, soit près du double du précédent record établi en 1989, et recouvert le nord-est de l’Amérique du Nord de niveaux toxiques de fumée et de cendres. De grandes parties de l’Europe du Sud, du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud et tout le sud des États-Unis ont été ou sont encore en état d’alerte à la chaleur. Les inondations ont tué 47 personnes aux États-Unis, dont 13 lors des crues soudaines de juillet, tandis que les incendies de forêt en Europe et en Afrique du Nord ont fait plus de 40 victimes. Des centaines de personnes sont mortes d’un coup de chaleur en Algérie, en Chine, à Chypre, en Grèce, en Italie, au Mexique et en Espagne.

De plus, les catastrophes causées par le changement climatique sont aujourd’hui les précurseurs d’événements encore plus catastrophiques. Les températures au large de la Floride – 38,38 °C – et la surface de glace de mer en Antarctique – plus de 2,6 millions de kilomètres carrés en dessous de la moyenne – laissent présager ce qui est à venir. Le réchauffement des océans menace les systèmes coralliens essentiels et la population mondiale de plancton de maladies et de mortalités massives, ce qui menace à son tour la base de toute la chaîne alimentaire. L’absence de glace de mer dans l’Antarctique augmente constamment le risque mortel de voir la glace terrestre tomber dans l’océan, faisant monter le niveau des océans dans le monde entier et inondant de façon permanente les zones côtières où vivent environ 3 milliards de personnes.

Il ne fait plus aucun doute que le réchauffement climatique a été causé par l’exploitation des ressources de la Terre par la production capitaliste anarchique, en particulier la combustion essentiellement non réglementée du charbon, du pétrole et du gaz naturel pendant un siècle et demi. La question urgente est de trouver une solution à la crise écologique qui se poursuit et s’accélère.

En réponse au rapport du C3S et de l’OMM, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a déclaré lors d’une conférence de presse que «l’humanité est sur la sellette [et] les humains sont responsables». Il s’agit d’une fausse équivalence, et António Guterres le sait.

«L’humanité» n’est pas responsable, c’est le capitalisme qui l’est. Ce qui bloque réellement tout effort pour s’attaquer sérieusement à la crise climatique, c’est le système de profit, la subordination de la vie économique au profit privé et la division du monde en États-nations rivaux.

En 2008, la déclaration de principes du Parti de l’égalité socialiste affirmait:

Le conflit irréconciliable entre le système de profit et la survie même de l’humanité trouve, au sens propre, son expression la plus nocive dans la crise du réchauffement climatique et de l’environnement naturel. La cause de cette crise n’est pas, comme le prétendent faussement les médias bourgeois, la croissance démographique. Elle n’est pas non plus le résultat de la science et de la technologie – dont le développement est essentiel à l’avancée de la civilisation humaine – mais plutôt de leur utilisation abusive par un ordre économique irrationnel et obsolète.

La déclaration conclut:

Toutes les preuves scientifiques montrent que seule une réorganisation socialiste de l’économie mondiale – dans laquelle l’environnement planétaire ne serait plus l’otage de la recherche du profit ou d’intérêts nationalistes destructeurs – permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’éviter ainsi une catastrophe.

Toutes les conférences internationales sur le changement climatique, la dernière en date étant le sommet sur le climat COP27, se sont soldées par un échec lamentable, en raison de l’impossibilité de traiter un problème qui est fondamentalement mondial sur la base de querelles entre États-nations capitalistes. Ces derniers reviennent tous sur les engagements qu’ils ont pris précédemment en matière de climat, tout en augmentant massivement leurs dépenses militaires.

Le système de profit capitaliste, qui organise la société sur la base de l’intérêt personnel de la classe capitaliste, est organiquement incapable de mettre en place le niveau massif de planification et d’organisation sociale nécessaire pour faire face à la crise climatique.

Selon le Carbon Majors Report, dont la dernière mise à jour date de 2020, les 108 premières entreprises de combustibles fossiles (dont Saudi Aramco, Chevron, Gazprom, BP, ExxonMobil) sont responsables de 70 pour cent des émissions de gaz à effet de serre depuis 1751 (année souvent utilisée comme référence pour le réchauffement climatique), dont la moitié a été émise depuis 1990. Seules 20 de ces sociétés sont responsables de 30 pour cent des émissions mondiales.

Les profits sont astronomiques. Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol, a déclaré en février dernier que les bénéfices générés par le pétrole et le gaz dans le monde atteindraient 4000 milliards de dollars en 2022, ce qui enrichirait encore davantage les sociétés d’investissement et les institutions financières de tous les grands pays capitalistes qui possèdent ces entreprises.

Alors que, les multimillionnaires et les milliardaires se gavent des ressources de la Terre, c’est la classe ouvrière et les masses rurales qui en paient le prix. La vague de chaleur qui a frappé l’Europe l’année dernière a tué plus de 61.000 personnes, un bilan qui devrait être identique, voire pire, cette année. Les inondations provoquées par le changement climatique au Pakistan l’année dernière ont déplacé 33 millions de personnes. Environ 500 millions de personnes pratiquant l’élevage risquent de perdre leurs moyens de subsistance. Près d’un milliard de personnes risquent de mourir de faim, car les terres dont elles dépendent pour leur subsistance deviennent trop arides pour permettre la vie humaine.

En d’autres termes, la lutte contre le changement climatique est, au fond, une question de classe. C’est la classe ouvrière qui ressent le plus directement et de manière la plus catastrophique l’impact du changement climatique, notamment à travers les sécheresses, la famine, les incendies de forêt et les inondations. À cela s’ajoutent tous les travailleurs qui souffrent et meurent à cause des conditions météorologiques extrêmes et de la myriade d’autres conséquences du réchauffement climatique.

Tous les appels à une quelconque section de l’élite dirigeante capitaliste sont donc voués à l’échec. Qu’elles soient dirigées par les démocrates ou les républicains aux États-Unis, ou par les conservateurs ou les sociaux-démocrates en Europe, les grandes puissances capitalistes ont démontré qu’elles ne peuvent pas et ne veulent pas gérer la crise. Elles souhaitent bien plus s’enrichir par le biais de divers systèmes d’«échange de droits d’émission de carbone» et envahir et détruire des pays entiers.

La réponse des gouvernements mondiaux à la pandémie de coronavirus est un autre exemple des intérêts de cette minuscule couche sociale. Plutôt que de lancer une campagne mondiale pour empêcher la propagation de la maladie mortelle, les États-Unis et toutes les grandes puissances ont d’abord cherché à s’assurer que les profits des entreprises, et non les vies humaines, soient protégés. La politique sous-jacente de «négligence maligne» a fait environ 24 millions de morts et causé le COVID longue durée chez des dizaines de millions de personnes.

Quant aux mouvements écologistes de la classe moyenne, leur évolution est incarnée par les Verts, qui sont devenus des partisans du militarisme et des instruments essentiels de la classe dirigeante. Le Parti vert allemand en particulier est devenu, du fait de son soutien au capitalisme, l’un des plus fervents défenseurs de la guerre impérialiste, y compris la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine.

La trajectoire politique de ces partis et tendances montre clairement que tout effort pour atténuer et inverser le réchauffement climatique qui n’est pas basé sur le développement d’un mouvement de la classe ouvrière pour renverser le capitalisme à l’échelle mondiale est désespérément utopique et sans issue.

La hausse record des températures mondiales se produit en même temps que l’émergence d’un mouvement de grève massif dans le monde entier. Au cours de l’année écoulée, les secteurs de l’automobile, des soins de santé et de la logistique ont été le théâtre de luttes acharnées, et des batailles de classe explosives ont déjà pris forme chez UPS, USPS, dans les docks de la côte ouest et chez les constructeurs automobiles nord-américains. Tout comme la lutte contre la pandémie de coronavirus et la guerre impérialiste, la lutte contre le changement climatique est inexorablement liée au développement de la lutte des classes.

Il est urgent de doter ces luttes ouvrières montantes d’une perspective socialiste de réorganisation de la société sur une base rationnelle afin de répondre aux besoins humains, et non au profit privé. C’est le seul moyen d’éviter la catastrophe climatique.

(Article paru en anglais le 29 juillet 2023)

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