Le gouvernement britannique prépare des prisons flottantes et des camps d'internement pour les demandeurs d'asile

Lorsque le gouvernement britannique a annoncé pour la première fois des plans pour son projet de loi sur la migration clandestine au début du mois, le World Socialist Web Site a écrit : « Si elle était promulguée, la loi priverait chaque année des dizaines de milliers de personnes de leurs droits démocratiques et conduirait à une énorme extension des camps d'internement en Grande-Bretagne.

Cela s'est concrétisé très rapidement. Au cours du week-end et au début de cette semaine, les journaux ont fait état de plans visant à placer les migrants dans des ferries ou des péniches et sur des sites militaires pouvant accueillir 1 500 à 2 000 personnes chacun.

Des migrants débarquent d'un bateau de patrouille des gardes frontières britanniques dans le port de Douvres en Angleterre après avoir été récupérés d'un canot pneumatique dans la Manche, le jeudi 16 septembre 2021. [AP Photo/Alastair Grant]

Cela a été confirmé par le ministre conservateur de l'Immigration, Robert Jenrick, dans une déclaration au Parlement mercredi. Il a annoncé aux députés que « l'hébergement des migrants devrait répondre à leurs besoins essentiels et rien de plus, car nous ne pouvons pas risquer de devenir un pôle d'attraction pour les millions de personnes déplacées », et de ce fait d’anciens sites militaires seraient initialement réaffectés dans l'Essex, le Lincolnshire et l'East Sussex afin de « fournir collectivement un hébergement à plusieurs milliers de demandeurs d'asile grâce à des casernes et des conteneurs réaffectés ».

Jenrick a ajouté que le gouvernement « continuait d'explorer la possibilité d'accueillir des migrants sur des bateaux ». Le vice-Premier ministre Dominic Raab a déclaré à Sky News « rien n'est exclu » et que « les péniches seraient une option possible ».

Ces camps et prison flottantes seront initialement utilisés pour les nouveaux arrivants mais seront sans doute agrandis pour accueillir les plus de 50 000 demandeurs d'asile actuellement hébergés dans près de 400 hôtels privés à travers le pays.

Il est prévu que des dizaines de milliers de personnes devraient gagner le Royaume-Uni en traversant la Manche dans de petites embarcations l'année prochaine. En vertu du projet de loi sur la migration clandestine, la quasi-totalité d'entre eux seront immédiatement placés dans un camp de détention pendant 28 jours sans accès à un avocat ni possibilité de demander une libération sous caution.

Ceci est une formalité avant l’expulsion vers un « pays tiers sûr ». Mais puisque le gouvernement britannique n'a conclu qu'un accord d'expulsion avec le Rwanda – avec des vols d'expulsion actuellement suspendus par les tribunaux et qui ne peuvent de toute façon pas acheminer le nombre que le gouvernement souhaite expulser – la plupart se retrouveront dans un état de semi-emprisonnement permanent en Grande-Bretagne, privés d'accès aux services sociaux de base.

Selon les recherches du Conseil des réfugiés, jusqu'à 200 000 personnes, dont plus de 40 000 enfants, pourraient être « enfermées ou contraintes à la misère », selon le reportage du Guardian.

Le journal a ajouté : « Même si le ministère de l'Intérieur renvoie 30 000 personnes au Rwanda, le Conseil des réfugiés estime qu'entre 161 147 et 192 670 personnes pourraient être laissées suspendues dans le vide. »

Pour justifier la politique de détention des enfants, qui seront expulsés une fois qu'ils auront 18 ans, le Premier ministre Rishi Sunak a déclaré qu'il était « important que nous ne créions pas par inadvertance une politique qui incite les gens à faire venir des enfants qui autrement ne viendraient pas ici ».

Plus tôt ce mois-ci, Sunak s'est rendu en France pour convenir d'un programme de 478 millions de livres sterling visant à établir un centre de détention dans ce pays qui retiendrait les migrants jusqu'à 90 jours avant de les expulser, et un doublement à 800 du nombre des gardes frontaliers français patrouillant le long de la Manche.

Les conditions dans les sites militaires déjà utilisés pour détenir des migrants au Royaume-Uni sont épouvantables.

Celui de Penally (maintenant fermé), et les sites Napier et Manston(articles en anglais) ont été condamnés par les inspecteurs, les commissions parlementaires et les ONG comme étant surpeuplés, manquant d’équipements comme le chauffage, l'éclairage et l'eau courante, dangereux et généralement inhumains. Les migrants détenus ont subi des incendies et des épidémies massives. Les occupants ont organisé des manifestations répétées, réprimées brutalement par la sécurité.

En agrandissant ces camps et en vitupérant contre l'utilisation des hôtels – rendue nécessaire par le fait que les gouvernements successifs n'ont pas fourni suffisamment de logements aux travailleurs nés au Royaume-Uni, sans parler des migrants – les conservateurs agissent main dans la main avec l'extrême droite, qui a organisé plusieurs petites manifestations à l'extérieur des lieux d'hébergement des demandeurs d'asile.

Lors d'un rassemblement de 200 personnes à Skegness le mois dernier, organisé par le groupe fasciste Alternative patriotique, les participants portaient des banderoles avec les inscriptions, «Arrêtez l'invasion, nous ne serons pas remplacés » et « Nous sommes envahis », et un reprenant le slogan de campagne des conservateurs « Arrêtez les bateaux ».

Rosie Carter de Hope Not Hate (L’Espoir et non la Haine) a déclaré à l'époque que son organisation avait constaté une « augmentation de 102% des activités d'extrême droite anti-migrants au cours de l'année dernière », ajoutant: « Cette énorme augmentation des activités d'extrême droite anti-migrants n'existe pas dans le vide », pointant le gouvernement et son «utilisation incendiaire d'un langage qui nourrit et fait le lit de l'extrême droite ».

Son point de vue a été confirmé lundi par le député conservateur Sir John Hayes, qui s'est exprimé au Parlement pour défendre les références largement condamnées de la ministre de l’Intérieur Braverman à une « invasion de notre côte sud ». Hayes a déclaré: « Et j'insiste pour dire les mots « marée », « vague » [...] Je pense que la ministre de l'Intérieur l'a décrit comme un « essaim »... de personnes venant ici qui savent qu'elles arrivent illégalement, qui savent qu'elles enfreignent la loi ».

Des démarches sont également en cours au sein du Parti conservateur pour rendre le projet de loi sur la migration illégale encore plus draconien. Entre 50 et 60 députés conservateurs de la droite du parti ont prévu une rébellion lors des débats et des votes sur la législation ce lundi-mardi, déposant une série d'amendements. Plusieurs informations ont souligné que cela avait été encouragé par Braverman elle-même.

Lundi matin, les députés Danny Kruger, Simon Clarke et Jonathan Gullis ont publié un article sur le site Internet conservateur Home exposant leurs divergences: « Le projet de loi empêche-t-il Strasbourg [la Cour européenne des droits de l'homme] de bloquer les vols vers le Rwanda ? Le projet de loi aborde-t-il les articles de la Loi sur les droits de l'homme qui pourraient immobiliser le gouvernement dans des mois de litige ? », « Le projet de loi limite-t-il de manière appropriée les contestations contre l’expulsion ?» et « Le projet de loi garantit-il que les personnes expulsées du Royaume-Uni ne soient pas renvoyées au Royaume-Uni ? »

Leur principal amendement visait à ordonner aux tribunaux britanniques d'ignorer les décisions de la Cour européenne. Mais les amendements ont été retirés, après que la droite conservatrice eut été «encouragée par les assurances que le gouvernement tiendra dûment compte de ses préoccupations » et dans « l'attente d’entendre cet engagement de la part des ministres au Parlement ».

L’engagement a été prononcé par Jenrick, qui a clôturé le débat de lundi en promettant de « se concerter étroitement avec ses collègues » et en attaquant « le genre de défis [juridiques] flagrants et vexatoires que nous avons connus dans le passé ».

Le Times rapporte que la concession recherchée par les rebelles était une interdiction immédiate des ordonnances de la « règle 39 » en vertu desquelles la Cour européenne peut donner des instructions à tout État signataire de la Convention européenne des droits de l'homme – une interdiction aux migrants de revenir du Rwanda même s'ils réussissent à faire appel de leur expulsion ; un délai de recours contre les expulsions de seulement sept jours ; et l'invalidation de plusieurs sections de la loi sur les Droits de l'homme, fermant les voies par lesquelles les expulsions pourraient être contestées.

La troisième et dernière lecture du projet de loi est probablement prévue pour la dernière semaine de mai.

Alors que le gouvernement conservateur élabore les détails de sa législation anti-migrants et policière, le Parti travailliste se tient sur la touche et cherche désespérément à prouver que lui serait bien plus compétent pour gérer le refus du droit d'asile et l'expulsion des migrants.

Le ministre fantôme travailliste de l'Immigration, Stephen Kinnock, a déclaré lors du débat de lundi que « pour qu'un moyen de dissuasion soit efficace, il doit être crédible ».

« Et ce projet de loi n’est pas crédible car il n'y a pas assez de capacité pour détenir les demandeurs d'asile au Royaume-Uni, il n'y a pas d'accord avec l'UE sur les renvois, et le gouvernement rwandais accepte seulement d'en prendre des milliers à une date future non précisée ».

« Donc, les bateaux continueront d'arriver, le retard des dossiers continuera de croître et les hôtels continueront de se remplir. »

Le secrétaire fantôme à la Santé, Wes Streeting, l'un des principaux porte-parole du Parti travailliste, a également déclaré mercredi: « Le gouvernement préfère donner l'apparence de faire quelque chose plutôt que d'arrêter les petits bateaux. Accélérer les demandes, expulser les gens lorsque leurs demandes sont infructueuses, c'est la façon de s'attaquer au problème du système d'immigration au lieu de dépenser des millions à loger les gens dans des hôtels. »

Les références répétées des conservateurs aux millions de réfugiés dans le monde indiquent les motivations derrière ces politiques dictatoriales. Le capitalisme produit catastrophe sur catastrophe, de la guerre en Ukraine aux catastrophes économiques et climatiques, qui déracinent un grand nombre de gens dans le monde. La classe dirigeante de tous les pays, déterminée à l'austérité pour financer la guerre et le renflouement des riches, affronte cette crise sociale et l'énorme colère qu'elle génère par une répression toujours plus brutale.

(Article paru en anglais le 30 mars 2023)

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