La juge fixe au 4 mars le procès de Trump sur des accusations de coup électoral en 2020

Dans une décision rendue lundi, la juge Tanya Chutkan, de la Cour de district des États-Unis, a fixé au 4 mars 2024 la date du procès de l’ex-président Donald Trump sur les accusations d’ingérence électorale durant la période précédant l’assaut du Capitole par une horde fasciste, le 6 janvier 2021.

L’ex-président Donald Trump arrive à l’aéroport national Ronald Reagan Washington, le jeudi 3 août 2023, à Arlington, en Virginie. Trump a plaidé «non coupable» pour quatre chefs d’accusation relatifs à sa tentative d’annuler l’élection de 2020. [AP Photo/Alex Brandon]

Cette décision officialise l’intersection des procès relatifs à la tentative de Trump de renverser l’élection de 2020 avec la campagne présidentielle de 2024, où l’ex-président est favori à l’investiture républicaine. Le procès commencerait un jour avant le “Super Tuesday”, la plus importante des élections primaires, au cours de laquelle seront sélectionnés plus d’un tiers des délégués à la Convention nationale républicaine.

Lors d’une audience de 90 minutes dans sa salle d’audience de Washington, la juge a entendu les arguments des avocats de Trump et de l’avocat spécial du ministère de la Justice, Jack Smith, qui a inculpé Trump de quatre chefs d’accusation le 1er août. L’accusation a plaidé pour un procès fixé au 2 janvier 2024, tandis que les avocats de Trump ont proposé une date en avril 2026, une tentative transparente de reporter le procès après l’élection et de donner à Trump la possibilité, s’il la remporte, d’ordonner l’arrêt du procès.

La juge Chutkan s’est largement rangée du côté de l’accusation, fixant la date du procès seulement deux mois plus tard, et elle s’est sentie clairement provoquée par le comportement de Trump hors de la salle d’audience et par les arguments et le comportement à l’intérieur de son avocat principal, John Lauro.

Trump a dénoncé à la fois Smith et Chutkan sur les réseaux sociaux, les qualifiant de fous, de dérangés, de partiaux et de corrompus, des déclarations qui auraient conduit n’importe quel accusé ordinaire en prison pour outrage à magistrat. Chutkan a rejeté une telle sanction, indiquant qu’elle serait incendiaire, mais il a averti Trump que plus il vilipendait la procédure judiciaire, plus tôt la date du procès serait fixée, afin de minimiser l’effet de sa rhétorique sur les jurés potentiels.

Lauro a dénoncé la date proposée pour le procès, à savoir le 2 janvier 2024, comme une recette pour «un procès spectacle, et non un procès rapide», avec pour résultat que la juge fixa une date juste deux mois plus tard.

Tout au long de l’audience, il a affirmé que Trump était poursuivi pour aider la campagne de réélection du président Joe Biden. «Ces poursuites donnent un avantage au patron de ces procureurs», a déclaré Lauro. «Il s’agit d’un procès politique. Nous allons devoir soulever cette question sans détour avec votre Honneur et lui rendre justice».

L’avocat de Trump a déclaré qu’il déposerait la semaine prochaine une requête fondée sur le principe autoritaire que Trump bénéficie de l’immunité face aux accusations puisque l’inculpation couvre la période où il était président. Il a également indiqué qu’une motion pourrait être déposée pour accuser le procureur spécial de poursuites sélectives, affirmant qu’il avait porté ces accusations en représailles de l’enquête visant le fils du président Hunter Biden et des accusations de fraude fiscale et de corruption contre lui.

La procureure Molly Gaston a fait valoir qu’une date de procès anticipée était particulièrement nécessaire en raison des attaques incessantes de Trump contre la procédure judiciaire sur les réseaux sociaux. «L’accusé publie presque quotidiennement des messages sur les réseaux sociaux à propos de cette affaire», a déclaré Gaston. «Il a dénigré publiquement des témoins, attaqué l’intégrité du tribunal et des citoyens du District de Columbia» parmi lesquels les jurés seront sélectionnés.

La juge, qui est afro-américaine, aurait été piquée au vif par un document déposé par les avocats de Trump, qui comprenait une comparaison obscène et provocante entre l’ex-président milliardaire et les Scottsboro Boys, neuf jeunes hommes noirs accusés de viol dans l’Alabama «Jim Crow» des années 1930 – parce qu’ils avaient été jugés en urgence une semaine seulement après leur inculpation. Trump disposerait de sept mois, a-t-elle ajouté, et il n’y avait guère de similitudes entre les deux affaires.

La décision de la juge établit un extraordinaire conflit entre les poursuites pénales contre Trump et sa campagne pour l’investiture présidentielle du Parti républicain en 2024. Le procès commencerait un jour seulement avant les primaires du «Super Tuesday», au cours desquelles un grand nombre de délégués à la Convention nationale républicaine seront choisis.

Le procès se prolongerait probablement tout au long d’un mois durant lequel la grande majorité de ces délégués sont choisis dans le cadre de primaires organisées dans 25 États. Le 5 mars, 15 États organisent des primaires pour sélectionner 865 délégués. Du 12 au 23 mars, des primaires sont organisées dans 10 autres États et à Porto Rico pour sélectionner 521 délégués. Au total, 1.386 délégués, soit bien plus que la majorité, seront sélectionnés alors que Donald Trump passera la majeure partie de son temps dans une salle d’audience de Washington.

Ce calendrier ne fait que souligner l’aggravation de la crise de l’ensemble du système politique américain. La fixation de la date du procès garantit probablement que la Chambre des députés, contrôlée par les républicains, ripostera en lançant une enquête sur la destitution du président Biden dans le but de préparer un vote de destitution avant même que ne commence le procès de Trump.

La procédure de destitution repose sur des allégations que Biden aurait personnellement profité des transactions commerciales de son fils Hunter en Ukraine et en Chine lorsqu’il était vice-président du gouvernement Obama. Si Hunter Biden a certainement profité du statut de son père, en particulier de son rôle à la tête de la politique américaine en Ukraine, les Républicains n’ont pas encore apporté la preuve que de l’argent a été versé directement à Joe Biden.

Le Parti républicain espère utiliser les audiences de destitution comme contrepoids aux poursuites contre Trump, bien que l’ex-président fasciste soit confronté à des accusations bien plus graves, notamment deux inculpations au niveau fédéral devant la juge Chutkan, et dans l’État de Géorgie, pour des actions liées à la tentative de renverser le résultats des élections de 2020.

La juge Chutkan a déclaré qu’elle avait pris en compte le conflit de calendrier entre l’affaire dont elle était saisie et trois autres affaires criminelles intentées contre Trump. Mais, qu’il ne lui appartenait pas de régler les conflits avec le calendrier politique. «Trump, comme tout autre accusé, devra faire en sorte que la date du procès soit respectée. Et cela, quel que soit son emploi du temps», a-t-elle déclaré, ajoutant que «la société a intérêt à ce que le procès soit rapide».

Les procureurs ont indiqué qu’ils auraient besoin de quatre à six semaines pour présenter leur dossier, et les avocats de Trump ont fait une estimation similaire pour la défense. Cela prolongerait la procédure jusqu’à la fin du mois de mai, ce qui créerait des conflits potentiels avec deux autres affaires. Trump doit être jugé le 25 mars 2024 à Manhattan pour avoir dissimulé des paiements occultes à l'actrice pornographique Stormy Daniels. Son procès en Floride sur des accusations fédérales de rétention et de dissimulation de documents secrets devrait débuter le 20 mai 2024.

On n’a fixé aucune date de procès dans l’affaire de Géorgie, qui est la plus complexe à programmer parce qu’elle implique Trump et 18 autres accusés, ainsi qu’une grande variété de chefs d’accusation. À lui seul, Trump doit répondre de 13 chefs d’accusation.

Plusieurs des co-accusés, dont les avocats Kenneth Chesebro et Sidney Powell, qui ont joué un rôle clé dans le complot visant à utiliser de «faux électeurs» pour bloquer la certification de la victoire de Biden par le Congrès, ont rompu avec Trump dans les faits en demandant un procès anticipé.

En réponse à leurs efforts, la procureure du comté de Fulton, Fani Willis, et le juge de l’État, Scott McAfee, ont initialement fixé la date du procès au 23 octobre, soit dans moins de deux mois, pour l’affaire contre Chesebro et Powell, et Willis a laissé entendre qu’elle serait prête à juger les 19 accusés à cette date.

D’autres accusés cherchent à dissocier leur procès de celui de Trump et de ses co-accusés, tandis que d’autres encore affirment que leurs actions relatives aux faux électeurs ont été directement ordonnées par Trump, ce qui revient à fournir des preuves contre lui.

(Article paru d’abord en anglais le 29 août 2023)

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