Les États-Unis attaquent des «mandataires» iraniens en Syrie, tandis qu’Israël intensifie son assaut sur Gaza

Deux F-16 Fighting Falcons de l'US Air Force revenant d'une mission pendant l’opération Agile Spartan dans la zone de responsabilité du Commandement central des États-Unis, le 6 mars 2023. [Photo: Air Force Tech. Sgt. Daniel Asselta ]

Quelques heures avant qu’Israël ne coupe les communications à Gaza et n’intensifie son assaut massif contre les Palestiniens, les États-Unis ont largué des dizaines de bombes sur ce qu’ils appellent les forces iraniennes «mandataires» en Syrie, dans le cadre de l’escalade du face-à-face avec Téhéran.

Cette escalade militaire coordonnée entre Israël et les États-Unis montre clairement que le conflit militaire se transforme rapidement en guerre dans tout le Moyen-Orient.

«Aujourd’hui, sur ordre du président Biden, les forces militaires américaines ont mené des frappes d’autodéfense sur deux installations dans l’est de la Syrie utilisées par le Corps des gardiens de la révolution islamique (GRI) de l’Iran et des groupes affiliés», a déclaré le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin, dans un communiqué publié tard dans la nuit de jeudi à vendredi.

«L’Iran veut cacher sa main et nier son rôle dans ces attaques contre nos forces. Nous ne le laisserons pas faire. Si les attaques des mandataires de l’Iran contre les forces américaines se poursuivent, nous n’hésiterons pas à prendre les mesures nécessaires pour protéger notre peuple», a-t-il ajouté.

Deux chasseurs F-16 de l’armée de l’air américaine et des drones Reaper ont largué plus de 30 bombes sur ce que les autorités américaines ont déclaré être un entrepôt d’armes et un entrepôt de munitions près d’Abu Kamal, en Syrie.

Austin a affirmé de manière absurde que les frappes contre les forces pro-iraniennes étaient «séparées et distinctes du conflit en cours entre Israël et le Hamas». Il s’agit là d’un mensonge éhonté. Les États-Unis considèrent clairement l’assaut d’Israël sur Gaza comme l’une des composantes d’une opération militaire massive actuellement en cours dans tout le Moyen-Orient.

Les responsables américains ont clairement indiqué qu’ils soutiendraient les actions d’Israël, quelles que soient les atrocités commises. «Nous ne fixons pas de lignes rouges à Israël», a déclaré John Kirby, porte-parole de la Maison-Blanche chargé de la sécurité nationale.

«Les États-Unis ont envoyé un message ce soir», a déclaré Mick Mulroy, ancien responsable de la défense, au New York Times. «Nous répondrons directement à l’Iran, et plus particulièrement au GRI [Corps des gardiens de la révolution islamique], s’il continue d’attaquer nos positions militaires et notre personnel en Irak et en Syrie.

Jeudi, la Maison-Blanche a envoyé au Congrès un avis de pouvoirs de guerre concernant les frappes. «Dans la nuit du 26 octobre 2023, les forces américaines ont mené des frappes ciblées contre des installations dans l’est de la Syrie », a écrit Joe Biden. «Les frappes de précision ont visé des installations utilisées par le GRI et les groupes affiliés au GRI pour le commandement et le contrôle, le stockage de munitions et d’autres objectifs.

Biden a ajouté: «Les États-Unis sont prêts à prendre d’autres mesures, si cela est nécessaire et approprié, pour faire face à d’autres menaces ou attaques».

Les frappes de jeudi soir font suite à la menace adressée mercredi à l’Iran par Biden qui avait dit : «s’ils continuent à s’en prendre à ces troupes, nous réagirons».

En réponse aux bombardements de jeudi soir, une partie de l’establishment politique américain a exigé une escalade encore plus agressive. «Au moins, le président Biden a enfin réagi après plus d’une dizaine de provocations, mais le gouvernement ne s’attaque toujours pas à la cause première de la violence dans la région: l’Iran», écrit le Wall Street Journal dans un éditorial.

«Les bombardements ponctuels de stocks d’armes et de munitions ne sont pas proportionnels aux attaques de l’ennemi», poursuit ce journal. «Les mandataires de l’Iran ont lancé des roquettes ou des drones sur les positions américaines au moins 19 fois depuis le 17 octobre.

Le Journal écrit encore: «Mais un meilleur exemple de rétablissement de la dissuasion est celui de l’ex-secrétaire à la Défense Jim Mattis en Syrie en 2018, où le groupe russe Wagner et les combattants de Bachar el-Assad avaien attaqué une position militaire américaine. Comme le général Mattis l’a déclaré au Congrès, il a ordonné que la force attaquante “soit anéantie”. Et elle l’a été».

Les États-Unis dépêchent navires, troupes et avions au Moyen-Orient. Ils ont envoyé en Méditerranée l’USS Gerald R. Ford, leur porte-avions le plus avancé, avec son complément de 75 avions et jusqu’à cinq navires de guerre en soutien. L’USS Dwight D. Eisenhower et son groupe de combat de porte-avions sont en route pour le golfe Persique.

L’impérialisme américain dispose de 30.000 militaires stationnés au Moyen-Orient, auxquels s’ajoutent 2.000 marines à bord des navires faisant route vers le Moyen-Orient. En outre, le Pentagone a déclaré jeudi que 900 soldats avaient été déployés ou s’apprêtaient à partir pour le Moyen-Orient.

Les États-Unis ont également envoyé des dizaines d’avions et effectué près de 100 missions de transport lourd dans la région.

Commentant la situation, The Economist écrit: «Il est assez facile… d’envisager des scénarios dans lesquels l’action offensive américaine va plus loin pour répondre à des attaques contre des alliés plutôt que contre des Américains».

Il ajoute: «Le fait que la Maison-Blanche ait exigé un plan d’urgence pour évacuer jusqu’à 600.000 citoyens américains vivant en Israël et au Liban témoigne de l’inquiétude de Joe Biden quant à la rapidité avec laquelle la situation pourrait devenir incontrôlable… Il s’avère qu’il pourrait bien y avoir un nouveau chapitre dans les guerres sans fins».

L’Assemblée générale des Nations unies a voté vendredi en faveur d’une «trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue menant à une cessation des hostilités» à Gaza. La motion, qui a été adoptée par 120 voix contre 14, a été votée malgré le «non» d’Israël et des États-Unis. Un amendement introduit par le Canada, qui aurait condamné directement l’incursion du Hamas en Israël, n’a pas obtenu la majorité des deux tiers et a échoué.

L’escalade américaine au Moyen-Orient a lieu alors qu’Israël intensifie son génocide à Gaza. Jeudi, le ministère de la Santé du territoire a publié les noms de plus de 6.747 personnes tuées par les bombardements israéliens. Le rapport indique qu’entre le 7 et le 26 octobre, 7.028 Palestiniens ont été tués et que 281 autres corps n’ont pas encore été identifiés.

Cette publication fait suite à la déclaration de Biden selon laquelle il n’avait «aucune confiance» dans le bilan publié par les autorités palestiniennes.

Les responsables de l’ONU ont également confirmé le bilan cité par les autorités palestiniennes. «Nous continuons à inclure leurs données dans nos rapports, et elles sont clairement sourcées», a déclaré à Reuters le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (initiales anglaises OCHA).

Le Dr Mike Ryan, directeur exécutif du Programme d’urgence sanitaire de l’Organisation mondiale de la santé, a déclaré que les chiffres sont «généralement cohérents ou dans la logique de l’ampleur des meurtres à laquelle on pourrait s’attendre compte tenu de l’intensité des bombardements dans une zone aussi densément peuplée».

En déclarant mercredi que les autorités palestiniennes gonflaient le nombre des victimes, Joe Biden avait affirmé que la mort de civils était le «prix de la guerre».

(Article paru d’abord en anglais le 28 octobre 2023)

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