Joe Biden accueille la première ministre italienne fasciste à la Maison-Blanche

La Première ministre italienne, Georgia Meloni, était l’invitée du président Joe Biden à la Maison-Blanche jeudi, la première fois qu’une fasciste pure et dure se voit accorder un tel accueil par le président américain depuis son entrée en fonction. La presse a souligné que d’autres partisans d’un régime autoritaire, notamment Jair Bolsonaro (Brésil) et Viktor Orban (Hongrie), n’avaient jamais reçu de telles invitations.

Le président Joe Biden rencontre la première ministre italienne, Giorgia Meloni, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le jeudi 27 juillet 2023, à Washington.

Mais Biden s’est montré enthousiaste à l’égard de Meloni lorsqu’ils se sont assis pour une réunion à huis clos, déclarant: «C’est un plaisir d’accueillir la première ministre. Nous sommes devenus amis et c’est bon de vous revoir. Merci d’être venu».

Le parti de Meloni, Frères d’Italie, a remporté le plus grand nombre de voix lors des élections de septembre 2022 et dirige désormais un gouvernement de coalition de droite composé de trois partis, dont Forza Italia, le parti fondé par feu le milliardaire Silvio Berlusconi pour en faire son instrument personnel, et la Liga (Ligue), dirigée par Matteo Salvini, un partisan effréné d’une répression maximale contre les immigrés et les travailleurs en grève.

Frères d’Italie a été fondé par d’anciens partisans de différents partis issus du parti fasciste de Mussolini, qui fut dissout après la défaite et l’occupation de l’Italie par les États-Unis et la Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque Mussolini était allié à Hitler. Le règne de Mussolini, qui a duré plus de vingt ans, a pris fin en 1943 et il fut exécuté par des partisans de gauche en 1945.

Meloni affirme ne pas être membre du «culte fasciste», mais ses politiques d’ultradroite ne se distinguent pas de celles de Marine Le Pen en France ou de Donald Trump, si ce n’est qu’elle substitue l’Italie à la France ou aux États-Unis comme point focal de ses appels chauvins.

Elle fait sienne la même bigoterie antidémocratique à l’encontre des homosexuels et des lesbiennes, agissant immédiatement pour interdire aux couples homosexuels de s’enregistrer en tant que parents lorsqu’ils ont adopté un enfant. (Seul un parent biologique peut le faire.) D’autres restrictions ont suivi, ainsi que des attaques contre les immigrants.

Son gouvernement s’apprête également à interdire la gestation pour autrui aux citoyens italiens qui vivent à l’étranger. Cette pratique est déjà illégale en Italie, conformément aux dogmes réactionnaires de l’Église catholique romaine.

Aucune de ces actions ne l’a empêchée d’être accueillie à la tête de l’Union européenne, et l’année prochaine, puisque c’est le tour de l’Italie, elle sera l’hôte d’une réunion du G-7, le club exclusif des riches nations capitalistes, qui se tiendra dans la province méridionale des Pouilles, le talon de la botte italienne.

En ce qui concerne le soutien de Biden au gouvernement italien le plus à droite depuis Mussolini, comme l’a écrit le Washington Post, «l’acceptation générale de Meloni se résume en grande partie à un seul mot: la Russie».

Contrairement à Berlusconi et Salvini et à ses co-penseurs comme Orban en Hongrie, Meloni est une fervente partisane de la guerre par procuration de l'OTAN contre la Russie en Ukraine. Elle a fourni des milliards en aide militaire, y compris l'entraînement des troupes ukrainiennes sur le sol italien et s'est rendue à Kiev en signe de solidarité avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Meloni a évoqué cette position dans de brèves remarques lorsqu’elle s’est assise avec Biden pour entamer la réunion à la Maison-Blanche. «Après l’agression russe contre l’Ukraine», a-t-elle déclaré, «nous avons décidé de défendre le droit international et je suis fière que l’Italie ait joué son rôle dès le début».

«Nous l’avons fait tout simplement parce que soutenir l’Ukraine, c’est défendre la coexistence pacifique des peuples dans les États du monde entier. Contrairement à ce que certains prétendent, la résistance ukrainienne éloigne une guerre mondiale et ne la rapproche pas. Comme certains le disent, ceux qui croient en la paix devraient être les premiers à soutenir la cause ukrainienne».

Elle est ensuite entrée dans le vif du sujet, à savoir les intérêts italiens en Afrique, y compris son ancienne colonie, la Libye, de l’autre côté de la Méditerranée. «Le président Biden sait que je me préoccupe beaucoup de l’Afrique, du rôle que nous pouvons jouer dans ces pays et qui peut nous aider à construire une nouvelle relation avec eux…»

Cela était nécessaire pour arrêter le flux d’immigrants à travers la Méditerranée, mais aussi pour ouvrir des opportunités d’investissements lucratifs pour les entreprises italiennes dans le pétrole et les autres ressources naturelles de cette vaste région.

Meloni et la classe dirigeante italienne s’attendent clairement à ce que leur soutien à la guerre par procuration des États-Unis en Ukraine soit récompensé par le soutien américain aux opérations italiennes en Afrique, particulièrement concentrées en Afrique du Nord et dans les pays du Sahara et du Sahel, plus au sud. Des diplomates italiens ont déclaré au Washington Post que Meloni se concentrerait sur les «défis sécuritaires et énergétiques en Méditerranée», ce qui signifie donner à l’Italie un accès aux richesses pétrolières de la Libye, son ancienne colonie, et sanctionner la répression de l’immigration par l’Italie et l’UE.

Biden devait obtenir en retour un soutien continu de l’Italie à l’Ukraine et un retrait rapide de l’Italie de l’initiative «ceinture et route» (Belt and Road) menée par la Chine. En 2017, sous la direction du premier ministre Guiseppe Conte du Mouvement cinq étoiles populiste, l’Italie est devenue le premier membre du G7 à s’engager dans le projet chinois de construction d’infrastructures, offrant à Pékin sa plus profonde incursion en Europe occidentale. Depuis, Washington exerce une pression croissante sur l’Italie pour qu’elle se retire.

John Kirby, porte-parole du Conseil national de sécurité, a déclaré avant la réunion que «le président a été heureux de travailler avec elle… C’est certain qu’en matière de politique étrangère, les approches que nous adoptons avec l’Italie se recoupent et se renforcent mutuellement. L’Italie est un allié de l’OTAN, un allié très compétent de l’OTAN, et elle a apporté un soutien considérable à l’Ukraine».

Il a laissé entendre que Biden ne soulèverait pas de questions de politique intérieure avec Meloni. «Le peuple italien a le droit de décider qui est son gouvernement», a déclaré Kirby. «C’est une démocratie et le président respecte cela».

L’un des signes de cette déférence à l’égard des politiques d’ultradroite de Meloni dans son pays a été la décision de ne pas tenir de conférence de presse commune, habituellement organisée après la visite d’un dirigeant d’un grand pays, au cours de laquelle Biden et son invité se tiendraient côte à côte et répondraient alternativement aux questions des médias des deux pays.

C’est probable que Meloni et Biden ont tous deux refusé une telle rencontre, craignant que la presse ne soulève des questions embarrassantes sur la politique intérieure de l’Italie. Lors d’une conférence de presse ultérieure, les journalistes ont assailli la secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, de questions sur les raisons pour lesquelles il n’y avait pas eu de rencontre conjointe avec la presse. Elle n’a pu donner aucune réponse cohérente, affirmant que c’était une décision prise par l’ambassade d’Italie et le département d’État américain, et non par ses services.

Alors que les transactions discutées à huis clos à la Maison-Blanche concernaient principalement la politique étrangère, la rencontre entre Biden et Meloni a une importance pour la politique intérieure américaine.

Les apologistes du Parti démocrate affirment qu’il est le dernier rempart contre une prise de contrôle de la politique américaine par les républicains fascistes dirigés par Donald Trump. Mais Biden est parfaitement disposé à accueillir une version italienne de Trump à la Maison-Blanche, à condition que son gouvernement soit en phase avec la politique étrangère américaine vis-à-vis de ses principales cibles, la Russie et la Chine.

Meloni était l’invitée d’honneur de la Conférence d’action politique conservatrice (Conservative Political Action Conference – CPAC) en 2019 et en 2020, s’exprimant le même jour que le président Trump de l’époque en 2019 et s’extasiant apparemment sur les médias sociaux en écoutant les remarques de ce dernier. Elle considère l’OTAN et les États-Unis comme ses alliés contre la menace du communisme, ce qui signifie principalement la classe ouvrière italienne.

Biden n’aurait aucun problème à travailler avec des forces similaires aux États-Unis, à condition qu’elles s’alignent, comme Meloni, derrière la campagne de guerre américaine contre Moscou et Pékin.

(Article paru d’abord en anglais le 28 juillet 2023)

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