Londres : 500 000 personnes manifestent contre la guerre à Gaza

La «Marche pour la Palestine» qui eut lieu samedi à Londres, en Angleterre, a été la plus importante depuis le début de l'attaque israélienne sur Gaza. Après les marches de 150 000 et 300 000 personnes ces deux dernières semaines, on estime que 500 000 personnes ont participé à cette massive opposition à la guerre.

Une section de la manifestation « Marche pour la Palestine », qui compta un demi-million de personnes à Londres, se rassemble à Victoria Embankment

La manifestation s’est rassemblée à Victoria Embankment avant de traverser deux des ponts de la capitale, puis passer devant le siège du gouvernement à Whitehall et se terminer sur la place du Parlement.

Des milliers d’agents de la Police métropolitaine ont imposé des restrictions en vertu des articles 12 et 14 de la Loi sur l’ordre public, ordonnant à tous les manifestants de suivre un itinéraire défini et empêchant quiconque de se rassembler devant l’ambassade israélienne située à Kensington Palace Gardens.

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Même selon les normes putrides des médias britanniques, qui font consciencieusement écho à la propagande de guerre pro-israélienne diffusée par le gouvernement britannique, la couverture médiatique – ou, plus précisément, l’absence de couverture médiatique – de l’événement de samedi était scandaleux.

Même le peu de couverture médiatique décelable aurait comblé un Joseph Goebbels. Alors que l’événement, qui a provoqué la paralysie du centre de Londres, se déroulait, il a été largement ignoré par les médias. Tous les articles ou mises à jour faisaient référence à des « milliers» (BBC) ou des «dizaines de milliers» ( Indépendant ) de participants.

Cette ridicule tentative de dissimuler le nombre des manifestant s’accompagna d’une acceptation universelle de l’ampleur de la manifestation telle que donnée par la police londonienne – juste une semaine après avoir affirmé qu'une marche de 300 000 personnes n’en comptait que 100 000. Reuters est allé plus loin et rapporta à 22 heures que «la police estimait la participation entre 50 000 et 70 000 personnes».

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Alors que la majorité du Parti travailliste est d'accord avec le gouvernement conservateur de Rishi Sunak pour soutenir le «droit et le devoir d'Israël de se défendre» et que les syndicats refusent de mobiliser leurs membres contre la guerre, les organisateurs de la marche, comme Stop the War Coalition et la Campagne Solidarité avec la Palestine – ont concentré leurs efforts à secourir la bureaucratie travailliste.

On a sermonné maintes fois un mouvement de masse contre la guerre pour qu’il considère comme sa tâche la plus importante de faire pression sur le gouvernement et, plus important encore, sur le leader travailliste Sir Keir Starmer pour qu’il exhorte Israël à accepter un cessez-le-feu.

S'exprimant au nom de la Coalition Stop the War, Alex Kenny, membre du comité exécutif national du syndicat enseignant National Education Union, a parlé en premier et a dit: «Chaque manifestation que nous avons organisée ces dernières semaines pèse dans la balance, car elle influence l'opinion publique et met de la pression sur nos politiciens. »

Alex Kenny s'adressant au rassemblement de la Marche pour la Palestine, place du Parlement

«[Le maire de Londres du Parti travailliste] Sadiq Khan vient de s’ajouter à la liste des personnalités politiques appelant à un cessez-le-feu. Keir Starmer ne tardera pas à appeler à un cessez-le-feu si nous continuons à nous montrer aussi nombreux.»

Les intervenants ont déclaré que la voie à suivre était d'obtenir davantage de soutien pour la motion parlementaire présentée par le député travailliste Richard Burgon et appelant à une « cessation des hostilités», qui fut saluée pour avoir été signée par 95 députés de «huit partis politiques différents».

Cinq membres du Groupe de campagne socialiste des travaillistes étaient sur l’estrade: Jeremy Corbyn, Diane Abbott, Richard Burgon, Apsana Begum et Bell Ribeiro-Addy. Aucun d’entre eux, dont Corbyn et Abbott qui ont été exclus du groupe parlementaire travailliste, n’a même mentionné le nom de Starmer lorsqu’ils ont dénoncé ceux qui soutenaient les crimes de guerre d’Israël.

Richard Burgon parlant à la manifestation de Londres

Burgon a déclaré à propos de sa motion, signée par moins de 15 pour cent des députés au Parlement et par moins d'un quart des députés travaillistes, qu' «il incombe à chacun d'entre nous d'amener notre gouvernement à faire ce qui est juste».

La tâche de plaider auprès de Starmer, qui se déclare lui-même sioniste, pour qu’il exige un cessez-le-feu, a été confiée à deux dirigeants syndicaux nominalement «de gauche», Mick Lynch du syndicat RMT (Rail, Mer, Transports) et Matt Wrack du syndicat des pompiers FBU.

«Starmer doit appeler maintenant à un cessez-le-feu immédiat et à une aide d'urgence massive pour la population de Gaza», a déclaré Lynch. « Le Parti travailliste et l'ensemble de notre mouvement doivent montrer qu'ils sont du côté des artisans de la paix et non des bellicistes.»

Mick Lynch au rassemblement de Marche pour la Palestine, place du Parlement

La marche a été convoquée sous le slogan «Cessez-le-feu maintenant!», mais affirmer que cela peut être réalisé en persuadant Sunak et Starmer de lancer un appel poli à Netanyahou et à son gouvernement de criminels de guerre, sans même parler de leur bailleur de fonds, le gouvernement Biden à Washington, est politiquement criminel.

Le Socialist Equality Party (SEP – Parti de l'égalité socialiste) a participé à la marche et a distribué des milliers de tracts annonçant sa prochaine réunion contre la guerre, «Halte à la guerre génocidaire d'Israël contre Gaza !», à Londres, le 9 novembre.

L’annonce pour le meeting du SEP déclare : «Apportant son total soutien aux criminels de guerre à Jérusalem, Washington et Londres, il y a le Parti travailliste dont le chef Sir Kier Starmer est un complice du meurtre de masse, méprisé par les travailleurs et les jeunes ». L’annonce conclut en disant que « la seule force qui puisse défendre les Palestiniens et mettre fin à l’éruption mondiale de la violence impérialiste est la classe ouvrière internationale. »

De nombreux participants à la manifestation se sont arrêtés au stand du SEP sur la place du Parlement pour s'informer sur la réunion et acheter la brochure «Halte au génocide israélien!»

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Les reporters du World Socialist Web Site se sont entretenus avec des participants à la manifestation.

Fahmawi , un Palestinien britannique de Londres, tenait une pancarte artisanale appelant à une action contre les entreprises finançant le génocide israélien.

Fahmawi (à gauche)

«En termes de gravité de la situation, la situation est presque aussi dangereuse que la Nakba de 1948. Nous atteignons un point critique […] Nous pouvons tous contribuer en termes de boycott, de désinvestissement et de sanctions, soit comme organisation soit comme travailleur, pour refuser d’être complice du génocide israélien. J'ai vu sur Internet des travailleurs appeler à une grève générale vendredi prochain. Les gens au Royaume-Uni veulent faire grève, ne pas aller travailler, ne pas financer d’entreprises.»

Elisabeth, qui travaille dans les services sociaux à Oxford, déclare: «J'ai participé à des manifestations pour défendre les Palestiniens il y a huit ans, lorsque j'étais à l'université. Je sais que c’est une lutte qui dure depuis soixante-quinze ans, mais même de notre vivant, les choses n’ont pas changé. La situation est de pire en pire.

«Je ne sais pas comment appeler ce que fait Israël à Gaza autrement qu’un génocide. Lorsque vous prétendez vous attaquer à un groupe spécifique mais que vous bombardez sans discernement des civils dans toute la région. Quand on pense à la taille de la bande de Gaza, et 50 pour cent des habitants sont des enfants.

«Rien de ce que dit Sunak n’est en mon nom. Ils soutiennent les punitions collectives et l’utilisation du phosphore blanc. Ils devraient être jugés comme criminels de guerre. Les travailleurs qui ont le pouvoir devraient faire grève dans les industries pour arrêter d’armer Israël.»

Kareemah, étudiant à Londres, tenait une pancarte condamnant le chef travailliste Sir Keir Starmer qui soutient la punition collective des Palestiniens par Israël.

«Tout le monde mérite ses droits humains. Ce qu’a dit Starmer ne m'a pas surpris; ils ne se soucient pas des atrocités. C’est une bonne chose que des gens du monde entier s’unissent contre cela; j'ai vu les manifestations en Amérique. »

Kaz , un informaticien de Milton Keynes, a déclaré: «Ce qui se passe est ignoble. Ce n’est rien moins qu’un génocide. C’était un pays qui a été donné à un tiers. De tous les peuples du monde, les Juifs ont probablement le plus souffert dans l’histoire récente. Ils savent plus que quiconque qu’ils ne devraient pas opprimer les autres ».

«Les gouvernements du Royaume-Uni, des États-Unis et de tous les autres pays devraient être tenus responsables, ce sont tous des criminels. Ils ont tous du sang sur les mains ».

«Cela ressemble à une autre guerre par procuration menée par les États-Unis, comme en Ukraine. Bien sûr, je ne suis pas content qu'un pays souverain soit envahi, mais il semble que dans cette situation, la main de la Russie ait été forcée.»

Rizwana était présente avec sa fille. «Ce que les gens voient aux informations et ce qu’ils voient en réalité et sur les réseaux sociaux sont deux choses tout à fait différente. On ne savait pas vraiment quelle avait été la situation en Palestine pendant 75 ans; j'ai tout lu, c'est tout simplement horrifiant ce qu'ils ont vécu,» déclare-t-elle.

Rizwana Jillana, (à droite) avec sa fille

«C'est un génocide. Pourquoi tuent-ils tous les bébés? Tous ces gens qui ont été expulsés de leur pays et qui n’ont jamais été autorisés à revenir! C'est navrant de voir ces images de là-bas ».

« Ces gens sont impuissants sans une voix. Nous devons être la voix de ces gens. Tout leur est interdit. Ils ne peuvent pas faire les choses de tous les jours. Vivre ainsi au XXIe siècle est tout simplement épouvantable. Ces gens souffrent, ces enfants et ces innocents souffrent ».

«Vous ne pouvez pas simplement rester là les bras croisés. C'est la première fois que je participe à une manifestation et je me suis dit: «Nous devons faire cette différence. Nous devons nous faire entendre pour eux.»

«En pensant à ce qui se passe en Ukraine, je me demande, sur quoi d'autre le gouvernement et les médias nous mentent-ils ? Nous devons examiner ce qui se passe dans ces endroits.

«Keir Starmer est absolument lamentable. Dire là, tranquille, «allez-y, continuez», assassiner tous ces enfants est odieux. Je vote pour le Parti travailliste depuis l'âge de 18 ans, mais je ne voterai plus pour lui.»

Heema, une enseignante spécialisée, était présente avec sa famille. «Je suis ici parce que nous voulons un cessez-le-feu, pour arrêter les bombardements. Ils ciblent les civils, les hôpitaux, les églises, les écoles, où les civils se réfugient. Notre priorité est un cessez-le-feu, après quoi il faut une paix durable. Cela ne peut plus se reproduire. La moitié des habitants de Gaza souffrent du syndrome de stress post traumatique», a-t-elle expliqué.

Heema, deuxième depuis la gauche

«Cela a commencé en 1948, lorsque la première Nakba a eu lieu. Le fait que certains gens utilisent le 7 octobre pour commencer le récit, c’est qu’ils ne connaissent évidemment pas l’histoire du conflit. La dernière génération voit les choses différemment, tout le monde découvre les tenants, les aboutissants et les origines des conflits.»

Yusuf , un travailleur de Londres originaire d'Algérie, a déclaré: «Les médias ne montrent pas tout ceci, ils ne montrent pas la vérité. Les manifestations ici, diffusées sur les réseaux sociaux pour montrer la vraie vérité à la société, sont le seul moyen de la faire passer – les médias grand public ne la montrent pas.»

Yusuf

L'assaut contre Gaza est «dégoûtant, c'est du terrorisme, c'est un génocide. Un cessez-le-feu doit avoir lieu dès maintenant. L'intention de l'armée israélienne est la même que celle des 75 dernières années: anéantir Gaza, s'emparer de la terre ».

La réponse du gouvernement britannique a été «dégoûtante, en s’associant à Israël, en se tenant aux côtés d’Israël – tant Rishi Sunak que Keir Starmer ».

Yusuf soutient les grèves contre la machine de guerre israélienne, ainsi que «le boycott de tout ce qui finance, de quelque manière que ce soit, l'envoi d'armes en Israël ».

« Regardez autour de vous, c'est une manifestation pacifique. Et ils [le gouvernement] ont peur du mouvement: 300 000 la semaine dernière, plus cette semaine, ça va bientôt dépasser le million de personnes à Londres. Alors, par tous les moyens, ils vont essayer de le déformer, comme ils le font depuis des années. »

(Article paru en anglais le 30 octobre 2023)

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