Les constructeurs automobiles suppriment des milliers d’emplois supplémentaires aux États-Unis et en Europe

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Un travailleur de l’auto sur la chaîne de montage de l'usine Jeep de Toledo [AP Photo]

Des milliers de travailleurs de l’automobile aux États-Unis et dans d’autres pays vont se retrouver au chômage dans les semaines à venir, Stellantis, Ford et d’autres entreprises mondiales étant à l’origine d’une vague de plus en plus forte de suppressions d’emplois dans l’ensemble de l’économie mondiale.

À Toledo, dans l’Ohio, pas moins de 1.225 travailleurs de Stellantis – soit près d’un quart de la main-d’œuvre du complexe géant de fabrication de Jeep – devraient être licenciés à partir du 5 février. 2.455 autres travailleurs seront également licenciés à l’usine Detroit Assembly Complex-Mack. L’entreprise affirme que la production de Jeep Cherokee dans l’usine sera «temporairement» réduite de trois à deux équipes, mais des menaces répétées ont été formulées pour supprimer définitivement la troisième équipe.

Au début du mois, 539 employés supplémentaires (temporaires) des usines Stellantis de Detroit et de Kokomo, dans l’Indiana, ont été licenciés, et les représentants des Travailleurs unis de l'automobile (TUA/UAW) affirment que 1.600 autres SE risquent de subir le même sort dans les prochains mois, si ce n'est plus tôt. L’UAW avait dit à ces travailleurs qu’ils seraient transférés à des postes à temps plein une fois les nouvelles conventions collectives ratifiées, et maintenant ils sont licenciés.

Le troisième constructeur automobile mondial procède également à 600 suppressions d’emplois dans son usine de Mulhouse, dans l’est de la France, qui touchent principalement les travailleurs contractuels. Entre le 12 février et le 3 mars, 2.250 autres travailleurs de Stellantis seront temporairement licenciés dans son usine de Mirafiori à Turin, en Italie.

Ford a commencé à licencier 100 travailleurs à l’usine d’assemblage de Chicago cette semaine, et 25 des travailleurs ayant le moins d’ancienneté ont été priés de ne pas se présenter au travail lundi. Selon la section locale 551 de l’UAW, les licenciements sont d’une durée de trois mois, la date de retour étant provisoirement fixée au 29 avril.

En outre, Ford supprime deux tiers des emplois au Rouge Electric Vehicle Center (REVC) à Dearborn, dans le Michigan, obligeant 1.500 travailleurs à être transférés dans d’autres installations ou à prendre une retraite «volontaire». La production de la camionnette F-150 Lightning sur le site est réduite à une seule équipe.

Au début du mois, General Motors a licencié 1.300 travailleurs dans le Michigan. Parmi eux, 945 travailleurs de l’usine d’assemblage d’Orion, au nord de Detroit, où la production de la Chevrolet Bolt est en cours d’arrêt et où le rééquipement pour la fabrication de camions électriques a été reporté jusqu’en 2025. Par ailleurs, 369 travailleurs de GM sont licenciés à l’usine Grand River de Lansing, où la production de la Camaro s’est achevée en décembre 2023.

Ces suppressions d’emplois interviennent quelques mois seulement après que le président de l’UAW, Shawn Fain, a affirmé que le syndicat avait obtenu des trois grands constructeurs automobiles des contrats «records» qui «sauvaient» les usines et créaient des emplois. En réalité, les accords négociés par l’UAW ont ouvert la voie à une attaque massive contre l’emploi, les constructeurs automobiles passant aux véhicules électriques et réduisant les emplois et les coûts de main-d’œuvre pour gagner un avantage concurrentiel dans ce que le PDG de Stellantis, Carlos Tavares, a récemment qualifié de «massacre».

Après avoir collaboré avec le gouvernement Biden pour faire passer les accords de suppression d’emplois, l’appareil de l’UAW a donné son appui au président démocrate, s’associant au programme de l’administration qui consiste à étendre la guerre à l’étranger et intensifier la guerre des classes à l’intérieur du pays.

Au complexe d’assemblage de Toledo, les responsables de la section locale 12 de l’UAW ont maintenu les travailleurs dans l’ignorance totale des licenciements prévus le mois prochain. Pendant la période précédant la ratification de la convention collective, les responsables du syndicat local ont affirmé qu’une troisième équipe et de nouveaux emplois seraient ajoutés, et que les 1.100 travailleurs temporaires obtiendraient des emplois permanents. Or, Stellantis n’a accepté de convertir que 900 employés supplémentaires dans l’usine, qui seront parmi les premiers à être licenciés. Plutôt que de s’opposer aux suppressions d’emplois, les représentants de l’UAW préconisent des licenciements «glissants» sur deux mois, ce qui permettrait à l’entreprise de licencier d’abord les travailleurs seniors les mieux payés.

«Le syndicat ne nous dit rien», a déclaré Alice au WSWS, qui travaille à l’usine depuis près de quatre ans. «J’ai rempli les formulaires pour passer à temps plein, mais personne ne sait qui va l’obtenir. Il y a ici des travailleurs qui sont intérimaires depuis six ou sept ans».

«Ces licenciements me stressent; il se peut que je cherche un autre emploi dans quelques semaines. Le syndicat nous a dit que nous serions reconduits avec la nouvelle convention collective, mais il y avait beaucoup de mots cachés dans les accords. Je ne fais plus confiance au syndicat. La grève était bidon. Nous avons tenu le piquet de grève pendant six semaines, alors que les autres usines fonctionnaient.»

«Rien n’a changé. Un travailleur à côté de moi reçoit un chèque hebdomadaire de 1.300 dollars et je reçois 700 dollars pour faire la même chose. Maintenant, nous sommes licenciés et l’UAW attend de nous que nous continuions à payer nos cotisations, alors qu’ils n’ont jamais été derrière nous. C’est comme ça dans tous les emplois. Les travailleurs du monde entier se mettent en quatre pour rien et tout le monde en a assez».

«Il y a ces gens qui ont tout l’argent et qui nous éliminent», a déclaré au WSWS un SE récemment licencié à l’usine de transmission de l’Indiana à Kokomo. «Ce sont des vipères et je n’ai confiance en aucun d’entre eux», a-t-elle déclaré à propos de l’entreprise, de l’appareil de l’UAW et de Biden.

Les travailleurs temporaires se battent pour être réintégrés et recevoir leurs arriérés de salaire. Nombre d’entre eux ont participé le 21 janvier à une réunion d’urgence organisée par l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) afin d’organiser une lutte indépendante des appareils qui dirigent l’UAW et d’autres syndicats.

À Kokomo, Stellantis prévoit également de fermer son usine Tipton Transmission, la première d’une vague de fermetures d’usines et de licenciements massifs dans les usines de transmissions de la région, car l’entreprise commence à acheter des systèmes de propulsion à Hyundai Transys inc., une filiale de pièces automobiles du groupe sud-coréen Hyundai Motor Group. BorgWarner, l’un des principaux fournisseurs de transmissions, a fermé son usine de Kokomo au début du mois, licenciant définitivement les 94 travailleurs restants.

Face à la concurrence de Tesla et des fabricants chinois, le fabricant suédois de véhicules électriques a annoncé son intention de supprimer 450 emplois dans le monde, soit environ 15 pour cent de sa main-d’œuvre totale.

Au Canada, les fournisseurs de pièces détachées sont également touchés par le rééquipement pour la production de véhicules électriques. Martinrea International a fermé son usine Fabco Metallic à Dresde, en Ontario, au début du mois, après que Stellantis a mis fin à la production d’un ancien modèle du Jeep Grand Cherokee à Detroit et à la production de la Chrysler 300, de la Dodge Charger et de la Dodge Challenger à Brampton, en Ontario, en décembre, selon Automotive News Canada.

Brian Gittens, qui a travaillé à l’usine pendant 23 ans, a déclaré au Chatham News: «Tout cet endroit est en train de fermer, et personne ne se bat pour nos emplois ou pour voir s’il n’y a pas d’autres opportunités». Les travailleurs de l’usine sont apparemment «représentés» par le syndicat Unifor, qui a également fait passer des accords de capitulation avec les trois grands constructeurs automobiles l’année dernière.

En Allemagne, des dizaines de milliers d’emplois sont supprimés chez VW, Bosch, Continental, ZF et d’autres fournisseurs d’automobiles et de pièces détachées, avec la complicité totale de l’appareil syndical IG Metall.

Outre l’industrie automobile, les licenciements massifs se répandent dans tous les secteurs de l’économie américaine. Ils se multiplient dans les salles de rédaction, notamment au Los Angeles Times (115 journalistes), à Business Insider, au Time et à Sports Illustrated, qui licencie ses 100 employés et s’apprête à fermer ses portes. Les employés du New York Daily News et de Forbes ont débrayé la semaine dernière pour s’opposer aux licenciements imminents.

Au cours des quatre premières semaines de 2024, près de 25.000 travailleurs du secteur technologique ont été licenciés, selon layoffs.fyi, chez Meta, Amazon, Microsoft, Google, TikTok, Salesforce et de nombreuses autres entreprises. Ces licenciements font suite à la suppression de 260.000 emplois dans le secteur de la technologie l’année dernière, la pire depuis l’éclatement de la bulle Internet au début des années 2000. EBay a annoncé qu’elle supprimerait encore 1.000 emplois cette année, après avoir supprimé 500 postes en 2023.

Jeff Shulman, professeur à la Foster School of Business de l’université de Washington, a déclaré à la radio NPR: «Il y a un effet d’entrainement dans la technologie. Les licenciements semblent favoriser le cours de leurs actions, de sorte que ces entreprises n’ont aucune raison de s’arrêter [...] c'est la nouvelle normalité».

(Article paru en anglais le 30 janvier 2024)

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