Des manifestations éclatent au Sri Lanka contre les hausses d’impôts dictées par le FMI

Ces dernières semaines, des dizaines de milliers de travailleurs sri-lankais ont manifesté et mené des grèves contre l’augmentation des impôts, le sabrage des allocations, la hausse des taux d’intérêt des prêts bancaires et d’autres attaques sociales de la part du gouvernement Wickremesinghe, qui impose au pays les exigences du Fonds monétaire international (FMI).

Des médecins et des employés du secteur de la santé manifestent contre l’augmentation des impôts devant l’hôpital de Kandy, le 20  janvier 2023.
  • Le 20  janvier, des milliers de professionnels sri-lankais – médecins, ingénieurs, agents des impôts, professeurs d’université et employés de banque – ont manifesté devant les bureaux du ministère des Finances, dans le centre de Colombo. Ils protestaient contre la nouvelle politique fiscale entrées en vigueur en janvier. Les médecins ont également manifesté ce jour-là dans d’autres régions du pays.
  • Le 23  janvier, environ 5.000  travailleurs du port ont manifesté devant l’entrée principale du port de Colombo, exigeant le retrait des hausses d’impôts et un allègement face à l’escalade du coût de la vie.
  • Deux jours plus tard, les employés de la Banque centrale, toutes catégories confondues, se sont rassemblés devant son bâtiment, portant des vêtements noirs et plaçant des drapeaux noirs devant l’édifice. Des centaines de travailleurs de banques, privées comme publiques, ont organisé des manifestations similaires le même jour dans de nombreuses régions de l'île.
  • Vendredi, les travailleurs de la Ceylon Petroleum Corporation (Société pétrolière de Ceylan) ont protesté devant son centre de distribution de Kolonnawa, dans la banlieue de Colombo.

La nouvelle politique de l’impôt sur le revenu a un impact direct sur la paye des heures supplémentaires, ce qui réduit considérablement le salaire net des travailleurs. Un travailleur du port de Colombo a expliqué qu’il faisait des heures supplémentaires épuisantes pour tenter de compenser le coût élevé de la vie, mais qu’il se trouvait pénalisé par les nouveaux taux d’imposition.

La hausse des impôts s’applique à tous ceux qui gagnent plus de 100.000  roupies (275  dollars) par mois, ce qui réduit leur salaire jusqu’à 36 pour cent dans certains cas. Dans un contexte d’hyperinflation qui a atteint 59  pour cent le mois dernier, ces taxes sont devenues insupportables.

Toujours prêt à la répression, le gouvernement a déployé des centaines de policiers lourdement armés, avec des canons à eau en attente. Le 20  janvier, un déploiement policier massif a empêché les travailleurs professionnels qui manifestaient d’aller au ministère des Finances, au Fort de Colombo. La police a également repoussé par la force un bus d’enseignants universitaires qui tentaient de se rendre au Galle Face Green, à proximité. Ce lieu fut le principal site de protestation lors du soulèvement des travailleurs et des pauvres, fort de plusieurs millions de personnes, qui a fait tomber le président Gotabhaya Rajapakse et son gouvernement l’an dernier.

Des employés de la Banque centrale du Sri Lanka s’opposent à l’augmentation des taxes gouvernementales près de la banque à Colombo, le 26  janvier 2023. [Photo by CBSL employee]

Les luttes sociales de la semaine dernière font suite à une série de manifestations, débutées en décembre, par des travailleurs du secteur public contre les privatisations et suppressions d’emplois. Ils réclament plus de salaire contre la hausse des prix des produits de première nécessité. Il y eut une grève nationale d’un jour par plus de 27.000  postiers le 11  décembre, une de 24 heures avec marche de protestation des membres du syndicat des enseignants d’université FUTA (Federation of University Teachers’ Associations) le 13  décembre, et une action similaire par les travailleurs de la santé du secteur public, le 9  janvier.

Lundi dernier, le Collectif des syndicats de professionnels – qui regroupe 15  syndicats, dont l’Association des médecins gouvernementaux GMOA, le Syndicat des ingénieurs de Ceylon Electricity Board Engineers' Union, la FUTA et le syndicat des banques Ceylon Bank Employees Union – a entamé une «semaine noire» de protestation, appelant ses membres à porter des vêtements et brassards noirs. Les responsables syndicaux ont averti le gouvernement qu’ils allaient lancer d’autres actions cette semaine s’il ne changeait pas sa politique fiscale.

Les syndicats ont été contraints d'organiser ces manifestations limitées et séparées pour contrôler et dissiper la colère croissante de leurs membres. Ils prétendent faussement qu’on peut forcer le gouvernement à retirer son nouveau taux d’impôt sur le revenu.

La GMOA a fait signer une pétition par 15.000 de ses membres, qui demande au gouvernement un système fiscal «équitable». De même, un porte-parole de la FUTA, suite à la confrontation de la semaine dernière avec la police, a déclaré aux médias qu’elle ne demandait pas une augmentation de salaire mais simplement une politique fiscale «raisonnable». D’autres bureaucrates syndicaux ont lancé des appels similaires.

La police mobilisée contre les travailleurs du port de Colombo qui protestent contre l’augmentation de l’impôt sur le revenu, le 23  janvier 2023.

Les manifestations des travailleurs portuaires de Colombo la semaine dernière ont été le fait du Syndicat général des travailleurs portuaires de Ceylan, contrôlé par le JVP (Janatha Vimukthi Peramuna), du Port Services Union, affilié au SLFP (Sri Lankan Freedom Party) et du Port Workers Progressive Union, contrôlé par le parti au pouvoir, le SLPP (Sri Lanka Podujana Peramuna). Ils ont menacé d’organiser de nouvelles manifestations cette semaine.

Le président Wickremesinghe a clairement indiqué qu’aucun changement ne serait apporté aux taux d’imposition ni aux autres mesures d’austérité.

Après le conseil des ministres du 24 janvier présidé par Wickremesinghe, le ministre des Transports, Bandula Gunawardana, a révélé que le FMI souhaitait une imposition des salaires mensuels à partir de 45.000  roupies (123 dollars/113 euros). Le gouvernement, a-t-il dit, n’avait pu le réduire que très difficilement à 100.000  roupies. Il a déclaré aux médias que le gouvernement devait appliquer toutes les exigences du FMI, sans quoi « on ne recevrait pas » le prêt de sauvetage promis.

Lors d'un point de presse, le gouverneur de la Banque centrale, Nandalal Weerasinghe, a déclaré que les augmentations d'impôts n'étaient pas de son ressort et insisté pour dire que des «décisions douloureuses» étaient nécessaires pour répondre à la crise économique.

Les exigences du FMI comprennent également une dévaluation continue de la roupie, une TVA sur les produits de première nécessité, la privatisation d’entreprises publiques, la destruction des emplois et des salaires du secteur public et la réduction des subventions sociales.

Cette politique brutale intensifie le désastre social auquel sont confrontées des centaines de milliers de familles, dont beaucoup risquent famine ou malnutrition. Dans le même temps, le système de santé s'effondre dû au manque de médicaments et d'autres ressources vitales. Ces mesures socialement destructrices doivent remplir les coffres du Trésor sri-lankais et garantir que les dettes non remboursées seront payées aux créanciers internationaux.

Il y a deux semaines, les députés d’opposition du SJB (Samagi Jana Balawegaya) et du JVP ont dénoncé avec véhémence au parlement la «politique fiscale injuste» du gouvernement et ont appelé à une réduction des taux. Cette démagogie vise à exploiter la colère des masses et à maintenir les travailleurs liés au système parlementaire. Ces deux partis sont entièrement acquis à la politique du FMI et tout gouvernement qu’ils formeront appliquera impitoyablement les mêmes mesures.

Comme le régime Wickremesinghe, ces partis «d’opposition» et les syndicats sont terrifiés par la nouvelle vague de luttes qui se développe. Le mouvement de masse des travailleurs et des pauvres de l’année dernière, qui a fait tomber le gouvernement Rajapakse, a été trahi par les syndicats, qui ont soutenu les revendications du SJB et du JVP en faveur d’un régime capitaliste intérimaire.

Le Parti de l’égalité socialiste (SEP) appelle les travailleurs à prendre en main la lutte contre l’austérité en créant des comités d’action élus et contrôlés démocratiquement. Ces comités doivent être construits indépendamment des syndicats et des partis capitalistes. Nous avançons les revendications suivantes:

  • Non à la politique d’austérité du FMI! Non aux suppressions d’emplois et aux baisses de salaire!
  • Un salaire décent pour tous, indexé sur le coût de la vie! Des droits complets à la retraite!
  • Des subventions pour tous ceux qui sont dans le besoin!

Cette lutte politique doit être basée sur un programme socialiste où les travailleurs prennent le contrôle de la production et de la distribution des biens essentiels à la vie. Les banques, les grandes entreprises et les plantations doivent être nationalisées sous le contrôle démocratique des travailleurs. Répudiation de toutes les dettes étrangères!

Le SEP appelle à un Congrès démocratique et socialiste des travailleurs et des masses rurales, basé sur des représentants des comités d’action, afin d’organiser une lutte politique pour cette perspective. Cela ouvrira la voie à l’instauration d’un gouvernement ouvrier et paysan, comme partie de la lutte pour le socialisme international. Nous invitons instamment les travailleurs à rejoindre le SEP et à lutter pour ce programme.

(Article paru d’abord en anglais le 28 janvier 2023)

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