La colère monte contre la politique de grève bidon de Fain, alors que l’UAW s’apprête à annoncer un accord de capitulation avec Ford

Piquetage des travailleurs de l’automobile dans le Michigan

Les efforts déployés par la bureaucratie des Travailleurs unis de l’automobile (UAW) pour maintenir 128.000 de ses 146.000 membres au travail pendant sa prétendue «grève debout» contre les trois grands constructeurs automobiles provoquent de plus en plus de résistance. Dans les usines qui ne sont pas en grève, la colère monte face à l’augmentation des cadences, aux suspensions et aux licenciements injustes de travailleurs qui ne bénéficient d’aucune protection car la convention collective est échue, et à la réduction des heures de travail, en particulier pour les travailleurs temporaires qui vivent déjà à la limite de la pauvreté.

De nombreux signes indiquent que le président de l’UAW, Shawn Fain, pourrait annoncer un accord avec Ford à tout moment, y compris des fuites de sources de l’UAW aux médias de Detroit sur les «progrès sérieux» réalisés en vue d’un accord. Dans le même temps, Shawn Fain doit faire face à une base militante et déterminée, qui n’est pas disposée à accepter une capitulation. Cette opposition pourrait conduire le président de l’UAW à appeler au débrayage les travailleurs de quelques usines supplémentaires dans le cadre de sa fausse politique de «grève debout».

Selon le Detroit Free Press, «l’UAW prévoit d’annoncer sa prochaine série de cibles de grève vendredi sur Facebook Live, et “tout est sur la table”, selon une source syndicale au fait de la situation». Fain devrait faire l’annonce à 10 h, «le prochain groupe de travailleurs devant faire grève à midi ce jour-là s’il n’y a pas de progrès substantiel dans les négociations contractuelles en cours, a déclaré la source, qui n’a pas pu s’exprimer publiquement».

Si la bureaucratie de l’UAW estime qu’elle doit appeler davantage d’usines à la grève vendredi, elle continuera néanmoins à faire travailler la grande majorité de ses membres et à produire des profits pour les constructeurs, tout en essayant de gagner du temps afin de vaincre la résistance de la base.

Parmi les travailleurs des usines qui ne sont pas en grève, la colère atteint un point d’ébullition. La décision de l’UAW de laisser expirer ses conventions collectives avec les trois grands a donné le feu vert à la direction pour persécuter les travailleurs qui n’ont pratiquement aucune protection contre les mesures disciplinaires injustes. «Les gens disparaissent», a déclaré au WSWS un travailleur de Ford à l’usine d’assemblage de Chicago. «Ils essaient toutes sortes d’astuces pour vous faire licencier. Ils vous mettent au pied du mur. Vous pouvez être en retard, ou n’importe quoi, il y a beaucoup de choses qui se passent. Ils sont vraiment mesquins».

Un ouvrier de Stellantis Warren Truck, dans la banlieue de Detroit, a déclaré: «Nous sommes censés être en grève totale, mais avec cette absurdité de grève «debout», ils augmentent la production, jouent avec nos vies, et les travailleurs en ont assez de leurs manoeuvres».

Citant de «réels progrès avec Ford» la semaine dernière, Fain a exclu l’entreprise de l’extension de la grève à 5.600 travailleurs de 38 centres de distribution de pièces détachées de GM et de Stellantis, qui n’ont eux-mêmes aucun impact sur la production de ces constructeurs automobiles.

Lors du streaming live de vendredi dernier, Fain a évité de faire référence à de nombreuses revendications centrales des travailleurs. Selon le Free Press, «vendredi, Fain n’a pas mentionné l’état d’avancement des demandes du syndicat concernant une augmentation salariale de 40 pour cent pendant la durée du contrat, l’instauration d’une semaine de travail de 32 heures ou le rétablissement des pensions et des prestations de soins de santé pour les retraités, ce qui indique aux experts de l’industrie que ces questions pourraient être sur le point d’être réglées avec les constructeurs automobiles ou qu’elles ne sont peut-être plus sur la table pour l’instant».

L’idée que les bureaucrates de l’UAW auraient pu conclure un contrat «historique» avec Ford après avoir déclenché une grève dans une seule des deux dizaines d’usines d’assemblage et de composants de l’entreprise est absurde. En fait, l’UAW n’a même pas appelé à la grève dans une usine entière de Ford, se contentant de déclencher «la grève» dans les départements d’assemblage final et de peinture de l’usine d’assemblage du Michigan et de faire débrayer moins de 4.000 travailleurs sur les 54.000 membres de l’UAW dans les opérations de l’entreprise aux États-Unis.

Grève des travailleurs de l’usine d’assemblage du Michigan de Ford le 27 septembre 2023

Les coûts supplémentaires encourus par les constructeurs automobiles à la suite de cet accord seront largement compensés par les fermetures d’usines, les départs forcés à la retraite des travailleurs les mieux payés et les licenciements massifs que la bureaucratie de l’UAW a déjà acceptés dans le cadre de la transition vers la production de véhicules électriques.

Au cours du week-end, le syndicat canadien de l’automobile Unifor a fait adopter un accord couvrant 5.600 travailleurs de Ford, qui maintient le système de salaires et d’avantages sociaux à deux niveaux et inclut pratiquement un gel des salaires réels, avec des augmentations annuelles moyennes de seulement 5 pour cent, alors que l’inflation est actuellement de 4 pour cent. Les représentants d’Unifor affirment que l’accord a été adopté à 54 pour cent, mais les résultats sont contestés par les travailleurs de la base. Les travailleurs accusent les responsables syndicaux d’avoir enfreint les règles de vote et les statuts du syndicat en envoyant des courriels pour attirer les travailleurs temporaires avec une prime à la signature de 4.000 dollars et en ratifiant l’accord même si les travailleurs des métiers spécialisés l’ont rejeté.

Mardi, le président Biden s’est rendu dans le Michigan pour une visite avec Fain au centre de distribution de pièces détachées de General Motors à Willow Run, afin de renforcer la bureaucratie de l’UAW et de préparer le terrain pour l’annonce d’un accord que la Maison-Blanche qualifiera d’«historique» et de «gagnant-gagnant» pour les travailleurs de l’automobile et les constructeurs.

Fain a quant à lui fait l’éloge du président qui a interdit la grève des cheminots l’année dernière et qui a participé à la restructuration de GM et Chrysler par le gouvernement Obama en 2009, laquelle avait réduit de moitié les salaires des nouveaux travailleurs, éliminé les protections contre le coût de la vie et étendu considérablement l’exploitation des travailleurs temporaires. Dans le cadre de cet accord – que Fain, alors membre de l’équipe de négociation UAW-Chrysler, avait soutenu – plus d’une vingtaine d’usines ont été fermées, y compris l’usine GM de Willow Run, qui employait 5.000 travailleurs dix ans auparavant. Aujourd’hui, seuls 200 membres de l’UAW, mal payés, travaillent dans l’entrepôt de pièces détachées.

«Nous devons tous débrayer maintenant»

Les travailleurs de l’usine d’assemblage de GM à Flint signalent que la direction a augmenté la vitesse de la chaine de production et les objectifs de production pour ses camionnettes très rentables. «L’UAW permet à la direction de nous pousser à travailler plus dur», a déclaré un ouvrier au WSWS. «Les lignes sont accélérées et les panneaux d’affichage indiquant nos quotas sont passés de 387 à 400 à 420. Les travailleurs se plaignent au président de l’UAW sur l’application de la section 598, mais ils n’obtiennent aucune réponse, le président s’en moque éperdument. Le syndicat travaille avec la direction. Nous ne sommes pas en grève et les conditions se dégradent. Nous devons tous débrayer maintenant».

La bureaucratie de l’UAW maintient également les travailleurs dans les usines face à une nouvelle recrudescence du COVID-19, qui menace la vie et la santé à long terme des travailleurs et de leurs proches. «Nous travaillons en face de personnes qui ont contracté le COVID», a déclaré l’ouvrier de Warren Truck. «Il devrait y avoir à nouveau l’obligation de porter le masque, mais ils ne se soucient pas de nos vies, ils veulent juste que nous continuions à produire des camions.

Fain a affirmé que sa stratégie de grève visait à prendre les constructeurs au dépourvu et à les garder dans l’ignorance. En réalité, la politique de l’UAW vise à déstabiliser les travailleurs, en ne leur disant pas s’ils vont travailler, percevoir 500 dollars par semaine d’indemnités de grève ou encore moins en allocations de chômage.

Fait particulièrement inquiétant, les entreprises, avec la complicité de l’UAW, affament délibérément les travailleurs temporaires avec des salaires qui commencent à moins de 16 dollars de l’heure chez Stellantis et plafonnent à 20 dollars.

«J’ai 3,70 dollars en banque et j’ai travaillé 12 heures au total la semaine dernière», a déclaré un TPT au WSWS. «L’usine a considérablement réduit le nombre d’heures de travail. Les travailleurs temporaires ont été contraints de partir avec quatre heures de salaire, tandis que les travailleurs à temps plein ont pu rester quelques fois pour bénéficier de ce que l’on appelle une semaine de travail courte et être payés pour 40 heures. Les TPT n’ont pas droit à une semaine de travail courte».

Le travailleur a déclaré qu’il s’agissait d’inciter les TPT à voter en faveur d’un contrat de trahison en leur offrant une «prime à la signature». «Nous n’allons pas signer un accord pourri qui va nous priver d’un avenir», a déclaré le travailleur avec défiance.

Par ailleurs, de plus en plus d’informations font état que des piquets de grève dans des centres de distribution de pièces détachées à Swartz Creek et Marysville, dans le Michigan, ont été heurtés par des véhicules conduits par des briseurs de grève. La police n’a procédé à aucune arrestation en lien avec ces incidents.

La lutte des travailleurs de l’automobile est à un moment critique. Tout dépend de la capacité des travailleurs de la base à prendre l’initiative et à transformer la fausse «grève debout» de l’UAW en une véritable grève impliquant l’ensemble des 146.000 travailleurs de GM, Ford et Stellantis. Les travailleurs de chaque usine qui n’est pas en grève doivent communiquer entre eux et exiger la convocation immédiate de réunions d’urgence des membres des syndicats locaux, où les travailleurs peuvent discuter et adopter des résolutions pour appeler tous les membres à un débrayage à l’échelle de l’industrie.

Étant donné que la bureaucratie de l’UAW s’opposera à de telles demandes, les travailleurs devraient rejoindre et développer le réseau grandissant des comités de base pour lutter en faveur d’une grève totale. Ces comités permettent aux travailleurs de s’unir aux travailleurs du Canada et du Mexique, sous la coordination de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), afin de préparer une grève à l’échelle de l’Amérique du Nord pour défendre les emplois et améliorer considérablement le niveau de vie et les conditions de travail sur l’ensemble du continent et au niveau international.

(Article paru en anglais le 28 septembre 2023)

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