Perspectives

Le budget de 1000 milliards $ de Biden pour la guerre mondiale

Le président Joe Biden présente sa proposition de budget pour 2024 à l’Institut des métiers de finition, le jeudi 9 mars 2023, à Philadelphie. [AP Photo/Evan Vucci]

La Maison-Blanche a dévoilé jeudi sa demande de budget pour l’année fiscale 2024, qui prévoit les dépenses militaires les plus importantes jamais proposées. Il s’agit d’un budget de 1.000 milliards de dollars pour la guerre mondiale. Le gouvernement Biden veut des ressources pour combattre la Russie en Ukraine, intensifier sa montée en puissance vers la guerre avec la Chine en Extrême-Orient et soutenir l’agression militaire américaine au Moyen-Orient.

Outre les 842 milliards destinés au Pentagone, qui seront sans doute augmentés par le Congrès, 24 milliards iront au département de l’énergie, qui entretient l’arsenal nucléaire américain, et 20 milliards aux programmes de nature militaire au sein du département d’État, de la CIA et d’autres agences, ce qui porte le total des dépenses militaires officielles à 886 milliards de dollars.

À cela s’ajoute le coût réel de la guerre en Ukraine, qui est inscrit à seulement 6 milliards de dollars pour l’année fiscale 2024, qui commence le 1er octobre. Au cours de l’exercice précédent, le gouvernement Biden avait demandé 6,9 milliards, mais avait finalement dépensé 114 milliards de dollars. Étant donné qu’il n’y a aucun signe de fin de la guerre – au contraire, elle s’intensifie rapidement – le coût du soutien américain au régime de Kiev, par ailleurs en faillite, est susceptible de dépasser le niveau actuel. Les dépenses militaires totales dépasseraient alors largement la barre des 1.000 milliards de dollars.

Depuis l’entrée en fonction de Biden, le budget du seul Pentagone est passé de 718 milliards de dollars pour l’exercice 2022, la première année complète de son gouvernement, à 816 milliards de dollars l’année dernière. Les 842 milliards de dollars demandés pour cette année pourraient dépasser les 900 milliards de dollars une fois que le Congrès et les lobbyistes des fabricants d’armes auront eu leur mot à dire. Les républicains du Congrès ont déjà dénoncé le budget, estimant qu’il ne prévoyait pas suffisamment de fonds pour l’armée.

L’appellation «Département de la défense» est elle-même une déformation grossière, car il n’y a aucun besoin de défendre un centimètre carré du sol américain contre un ennemi extérieur depuis longtemps. C’est plutôt le monde qui se trouve menacé par le Pentagone. Le gouvernement américain maintient une présence militaire mondiale sans précédent dans l’histoire, avec plus de 700 bases américaines dans le monde, alors que ses principales cibles, la Russie et la Chine, n’ont chacune qu’une seule base à l’extérieur de leurs frontières.

Le département devrait être rebaptisé «Département du maintien de l’empire mondial des États-Unis», ou peut-être plus simplement «Département de la destruction du monde». Quelque 38 milliards de dollars du budget du Pentagone seront consacrés à la modernisation des armes nucléaires, ce qui porte à plus de 60 milliards de dollars les dépenses totales de cette année pour l’arsenal nucléaire américain, destiné à l’anéantissement mondial de la civilisation et peut-être de toute vie sur la planète.

Une grande partie du budget «non militaire» contribue également à la capacité des États-Unis à faire la guerre dans le monde entier. Selon un communiqué de la Maison-Blanche, le budget «investit dans des technologies et des secteurs clés de la base industrielle américaine, tels que la microélectronique, la construction de sous-marins, la production de munitions et la biofabrication». Il prévoit également «la recapitalisation et l’optimisation des quatre chantiers navals publics afin de répondre aux besoins futurs en matière d’entretien des sous-marins et des porte-avions».

Une grande partie des 250 milliards de dollars de la loi CHIPS de l’année dernière était du financement acheminé à travers le ministère du Commerce pour garantir le transfert aux États-Unis de la production de puces semi-conductrices essentielles pour les armes de haute technologie.

Le budget du ministère de l’Énergie soutiendra «les solides bases techniques et d’ingénierie» de l’accord AUKUS anti-chinois conclu entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni. Biden accueillera le premier ministre britannique Rishi Sunak et le premier ministre australien Anthony Albanese lors d’un sommet AUKUS qui se tiendra à San Diego lundi.

Le budget prévoit des milliards supplémentaires pour la répression policière, dont 25 milliards de dollars pour la protection des douanes et des frontières (CBP) et l’application des lois sur l’immigration et les douanes (ICE), et 14,5 milliards pour d’autres activités anti-immigrés du ministère de la Sécurité intérieure, notamment les tribunaux de l’immigration et le vaste réseau de centres de détention. Des dizaines de milliards supplémentaires vont au FBI et à d’autres agences du ministère de la Justice, ainsi qu’à des subventions directement destinées aux services de police des villes et des États américains.

La violence militaire et la répression policière constituent l’essentiel des 1.700 milliards de dollars de dépenses discrétionnaires, le montant que le Congrès doit autoriser et s’approprier chaque année, contrairement aux décaissements automatiques du Trésor pour le paiement des intérêts et des allocations comme la sécurité sociale, Medicare et Medicaid.

La demande de budget publiée jeudi par le gouvernement Biden est une perspective politique, pas seulement un plan de dépenses. Elle est partagée par les deux partis capitalistes, les républicains et les démocrates, quelles que soient leurs divergences tactiques sur la répartition et le montant des dépenses. L’impérialisme américain cherche à maintenir sa domination mondiale et se concentre désormais sur la défaite de ceux qu’il considère comme ses principaux adversaires, la Russie et surtout la Chine.

La guerre par procuration contre la Russie en Ukraine n’est que l’antichambre d’un conflit encore plus important avec la Chine, qui prend désormais la forme d’un renforcement militaire rapide en vue de ce qu’un général de haut rang a prédit sera une guerre ouverte d’ici 2025. Les grands médias font leur part pour supprimer l’opposition populaire à ces guerres. Ils cherchent à faire basculer l’opinion publique avec un blitz de propagande sur l’invasion réactionnaire de l’Ukraine par la Russie, et ils attisent l’hystérie sur les prétendus «ballons espions» chinois et l’appli de réseaux sociaux TikTok, décrite comme un plan infâme de Pékin pour collecter des renseignements sur les Américains.

Il convient de noter que lors de sa première apparition en campagne pour «vendre» son budget au public, Biden n’a pas mentionné les dépenses militaires. Il a plutôt fortement exagéré le niveau des dépenses en matière de soins de santé, d’éducation et d’autres programmes de protection sociale, qui seront inévitablement réduites plutôt qu’augmentés au cours des négociations budgétaires avec les républicains.

C’était accompagné d’une démagogie populiste autour de propositions pour augmenter les impôts sur les sociétés et les super-riches, alors que Biden sait pertinemment qu’elles n’aboutiront à rien au Congrès. La Maison-Blanche n’a pas réussi à faire passer quelques centaines de milliards d’augmentations d’impôts sur les riches dans un Congrès contrôlé par les démocrates en 2021-2022. Suggérer qu’une Chambre des représentants contrôlée par les républicains adoptera des prélèvements de 5.000 milliards de dollars sur l’aristocratie financière est un mensonge éhonté.

Biden procède comme un grossier crieur commercial brandissant les objets brillants que sont les augmentations d’impôts sur les riches et les augmentations des dépenses sociales, qui sont populaires parmi les travailleurs, afin de détourner l’attention de la véritable essence de son programme, qui est de poursuivre et d’intensifier la guerre avec la Russie en Ukraine et de préparer la guerre imminente avec la Chine.

C’est l’axe central de la politique du parti démocrate, un parti de Wall Street et de l’appareil militaire et de renseignement, qui a depuis longtemps abandonné tout lien véritable avec un programme de concessions sociales en faveur des travailleurs. Le seul différend entre Joe Biden et les républicains porte sur la question de savoir si on doit d’abord cibler la Russie ou la Chine. Mais ce conflit est secondaire. Les deux partis défendent les intérêts mondiaux de l’oligarchie américaine.

(Article paru en anglais le 10 mars 2023)

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